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Tanya - Likoutei Amarim - Chapitre 50

Likoutei Amarim Chapitre 50 _______________


L’amour pour D.ieu, dans ses différentes formes, a longuement été discuté dans les précédents chapitres. Cet amour imprime un élan de vitalité et d’élévation à l’étude de la Thora et à l’accomplissement des commandements. Toutes les formes d’amour étudiées jusqu’à présent partagent le caractère commun de la recherche d’un attachement avec D.ieu : l’amour dicte alors d’étudier la Thora et d’accomplir les mitsvot par lesquels cet attachement peut être vécu. Dans le Chapitre cinquante, Rabbi Chnéour Zalman aborde une autre forme d’amour. Elle ne consiste pas en un désir de vivre l’attachement avec D.ieu, mais plutôt en une soif, une passion dévorante, consumante jusqu’à l’extinction de l’âme (kalout hénéfech). L’âme aspire ici à disparaître dans le Divin en se séparant du corps et de toute existence matérielle. Un tel amour pour D.ieu ne conduit pas directement à l’étude de la Thora et à la pratique des commandements dont la condition sine qua non est précisément l’existence matérielle. Quelle est donc sa place dans le service de D.ieu ? Car il a décidément été expliqué que l’amour pour D.ieu, quelque angle sous lequel on le considère, a pour seul horizon Son service. Dans le cas du kalout hanéfech, le service de D.ieu par la Thora et les mitsvot n’est pas déterminé par l’élan d’amour en tant que tel, mais plutôt par un mouvement opposé, celui du « retour ». Lorsque l’âme, consumée par cet amour ardent, désire expirer, est ressentie l’intention divine qui est contraire à ce désir. Car le dessein divin est bien que l’âme demeure en ce monde pour y révéler la Divinité. Cette prise de conscience impose un retour. Au lieu de se laisser entraîner vers l’expiration, l’âme entreprend une démarche inverse, fermement décidée à vivre la vie matérielle en vue de réaliser le dessein divin par l’étude de la Thora et l’accomplissement des commandements.


פרק נ׳


והנה כל בחינות ומדרגות אהבה הנ״ל הן מסטרא דימינא, ובחינת כהן איש חסד


Or, toutes les formes et degrés d’amour dont il a été question relèvent du « côté droit » et du rang du cohen, appelé « l’homme de bonté ».


L’attribut de bonté (‘Hessed) est caractérisé par un mouvement du haut vers le bas. Ainsi en va-t-il du service divin du cohen dans le Temple, comme il sera expliqué plus loin. De même, les formes d’amour précédemment évoquées traduisent le désir de vivre l’attachement avec D.ieu. Selon le schéma traditionnel, les Séfirot se divisent en trois lignes : la ligne droite, à laquelle appartient l’attribut de ‘Hessed, la ligne gauche à laquelle appartient l’attribut de Guevoura et la ligne du milieu. L’amour qui tient de ‘Hessed se rattache donc au côté droit.


ונקראות: כסף הקדשים, מלשון: נכסוף נכספתה לבית אביך


Elles sont appelées kessef hakodachim, dans le sens de l’expression : « Tu aspires à la maison de ton père » (où le verbe « aspirer » (נכסוף) se rattache étymologiquement au mot kessef, l’argent).


Les formes d’amour discutées dans les précédents chapitres expriment toutes le désir et la recherche de l’attachement à D.ieu. « Après la maison de ton père » renvoie au degré de ‘Hokhma, appelé « père » dans la terminologie de la Kabbale. Tel est le lien avec le terme (kessef) hakodachim puisque kodech (la sainteté) renvoie pareillement à ‘Hokhma dans le Zohar. Comme expliqué plus haut, les Séfirot se divisent en trois lignes. La ligne de droite, à laquelle appartient ‘Hessed, est aussi la ligne de ‘Hokhma, à la différence de la ligne gauche qui relie Bina et Guevoura. Ainsi, toutes ces formes d’amour qui relèvent de ‘Hessed appartiennent à la ligne de ‘Hokhma et conduisent par ailleurs à l’accomplissement de la Thora et des mitsvot qui ressortissent à ‘Hokhma.


אך יש עוד בחינת אהבה העולה על כולנה, כמעלת הזהב על הכסף


Cependant, il y a une autre forme d’amour qui surpasse toutes [les autres], [à l’image de] la supériorité de l’or sur l’argent.


והיא אהבה כרשפי אש


C’est l’amour qui est comme des charbons ardents,


Cet amour est placé sous le signe du feu, par contraste avec les précédentes formes d’amour, associées à l’eau. Le flux descendant de l’eau symbolise en effet l’attribut de ‘Hessed. En revanche, l’amour dont disserte le présent chapitre est « semblable à des charbons ardents »,


מבחינת גבורות עליונות דבינה עילאה


[issu] du niveau des Guevourot supérieurs de Bina Ilaa. En d’autres termes, cet amour prend sa source dans l’aspect de Guevoura que renferme l’attribut de Bina.


דהיינו, שעל ידי התבוננות בגדולת אין סוף ברוך הוא, דכולא קמיה כלא ממש חשיב


Cela veut dire que par la méditation sur la grandeur du Ein Sof, [à savoir que] devant Lui tout est vraiment considéré comme rien,


תתלהט ותתלהב הנפש ליקר תפארת גדולתו, ולאסתכלא ביקרא דמלכא


l’âme s’enflammera pour l’éclat de la splendeur de Sa grandeur, afin de contempler la gloire du Roi,


כרשפי אש שלהבת עזה העולה למעלה וליפרד מהפתילה והעצים שנאחזת בהן


comme les charbons ardents d’une flamme ardente qui s’élève vers le haut, [cherchant à] se séparer de la mèche et du bois où elle a prise.


A la différence de l’amour symbolisé par l’eau qui, dans un mouvement contenu, aspire à l’expérience d’une proximité avec D.ieu, le feu évoque une passion consumante. Comme un feu qui tend à se détacher de la mèche, l’âme cherche ici à se détacher du corps (lequel est semblable à une mèche (cf. ch. 35) ou à du bois (cf. ch. 29) dans sa relation avec la lumière de l’âme).


והיינו על ידי תגבורת יסוד האש אלקי שבנפש האלקית


Et cela, grâce à la prééminence de l’élément de feu divin de l’âme divine, contrairement aux autres formes d’amour qui dérivent de l’élément d’eau de cette âme.


ומזה באה לידי צמאון, וכמו שכתוב: צמאה לך נפשי


De cela [l’âme] en vient à une soif, ainsi qu’il est dit : « Mon âme a soif de Toi. »


De même que la soif physique se rattache à l’élément de feu, c’est-à-dire qu’elle est due à une sensation de sécheresse, la soif spirituelle prend sa source dans la prééminence de l’élément de feu de l’âme.


ואחר כך לבחינת חולת אהבה


Après quoi elle parvient à la dimension de la « maladie d’amour » comme une soif qui ne peut être étanchée.


ואחר כך באה לידי כלות הנפש ממש, כמו שכתוב: וגם כלתה נפשי


Puis elle en vient à une véritable expiration de l’âme, ainsi qu’il est dit : « et aussi mon âme expire ».


והנה מכאן יצא שורש הלוים למטה


Or, c’est de là (de la dimension des Guérouvot de Bina Ilaa) que provient la source des Lévites ici-bas dans le monde.


[ולעתיד, שהעולם יתעלה, יהיו הם הכהנים,


(Et dans le Futur, quand le monde sera élevé, ils seront eux les cohanim, alors que leur rôle actuel est accessoire à celui des cohanim, ainsi qu’il est dit : « ils t’accompagneront et te serviront »,


וכמו שכתב האר״י ז״ל על פסוק: והכהנים הלוים, שהלוים של עכשיו יהיו כהנים לעתיד]


comme notre maître, Rabbi Its’hak Louria, de mémoire bénie, l’explique à propos du verset : « mais les cohanim, les lévites… », les lévites d’aujourd’hui seront les cohanim dans le futur.)


ועבודת הלוים היתה להרים קול רינה ותודה, בשירה וזמרה, בניגון ונעימה


Le service divin des lévites consistait à élever la voix dans la mélodie et les [actions de] grâces, avec chant et musique, mélodieusement et harmonieusement.


בבחינת רצוא ושוב


sous la forme d’un élan et d’un retour.


La musique des lévites exprimait la nature de leur Service, caractérisé par cet élan de passion consumante, d’expiration de l’âme, suivi d’un mouvement de retenue, de retour, comme il va être expliqué.


שהיא בחינת אהבה עזה זו, כשלהבת היוצאה מן הבזק, כדאיתא בגמרא [פרק ב׳ דחגיגה]


C’est là la distinction de cet amour ardent précédemment évoqué, comme une flamme qui jaillit du creuset, comme dit dans le Talmud (Chapitre deux du [traité] ‘Haguiga).


La flamme jaillit avec force du creuset et y retourne aussitôt. Tel est, dit le Talmud, le sens de ce verset qui exprime la vision d’Ezéchiel à propos des anges appelés les saints ‘Hayot  : « Et les ‘Hayot allaient et venaient, telle (la flamme du) creuset ». A l’image du feu qui « va et vient », qui jaillit et qui est ensuite retenu dans le creuset, l’amour ardent est marqué par cette dualité : le premier mouvement est un élan de passion de l’âme jusqu’à « l’expiration ». Mais cet élan est suivi d’un mouvement de retenue, de retour vers le monde. Car est reconnue alors l’intention divine : l’âme doit être revêtue d’un corps pour accomplir la Thora et les mitsvot ici-bas. Le Séfer Yétsira dit ainsi : « si ton cœur court, reviens à l’unique ». Autrement dit, si ton cœur connaît cet élan d’expiration de l’âme, retiens-le et reviens afin dé révéler l’unité de D.ieu en ce monde. Car seules la Thora et les mitsvot qui y sont accomplies permettent cette révélation.


ואי אפשר לבאר ענין זה היטב במכתב,


[Mais] il n’est pas possible d’expliquer clairement ce sujet par écrit.


רק כל איש נלבב ונבון, המשכיל על דבר, ומעמיק, לקשר דעתו ותבונתו בה׳,


Néanmoins, tout homme doué de cœur, de discernement et d’intelligence, qui immerge profondément son esprit en attachant sa compréhension à D.ieu


ימצא טוב ואור הגנוז בנפשו המשכלת,


trouvera le bien et la lumière enfouie dans son âme intelligente,


כל חד לפום שיעורא דיליה [יש מתפעל כו׳ ויש מתפעל כו׳]


chacun selon sa mesure (l’un est sensible… à telle méditation et un autre est sensible… à telle autre méditation),


אחרי קדימת יראת חטא, להיות סור מרע בתכלית, שלא להיות עונותיכם מבדילים כו׳, חס ושלום


après la crainte de la faute préalable pour s’éloigner du mal absolument, de sorte que « vos fautes ne fassent pas séparation entre vous et D.ieu », à D.ieu ne plaise.


En d’autres termes, quelle que soit la sensibilité qui détermine son amour pour D.ieu, la crainte de la faute s’impose comme un préalable à défaut duquel il est impossible de parvenir à cet amour. Rabbi Chnéour Zalman va maintenant observer que pareil amour de D.ieu ne peut pas, dans sa phase ascendante, dicter de Le servir par la Thora et les commandements précisément parce que l’âme est alors dans un mouvement de sortie du corps. Or, l’amour n’est pas une fin en soi. Il doit avoir pour horizon de vivifier l’étude de la Thora et l’accomplissement des mitsvot. C’est ainsi dans le mouvement contraire de retour vers le monde que sera trouvé l’ardeur qui inspirera cet accomplissement.


והנה סדר העבודה בעסק התורה והמצות, הנמשכת מבחינת אהבה עזה זו, היא בבחינת שוב לבד


Or, le service divin par l’occupation à la Thora et aux mitsvot, [tel qu’il] dérive de la catégorie de cet amour ardent, relève de la dimension du retour seulement,


כמו שכתוב בספר יצירה: ואם רץ לבך, שוב לאחד.


ainsi qu’il est écrit dans le Séfer Yétsira : « Si ton cœur s’élance, reviens à l’Un ».


פירוש ואם רץ לבך, היא תשוקת הנפש שבלב בחלל הימני,


En voici la signification : « si ton cœur s’élance » fait référence à la soif de l’âme située dans le cœur dans le ventricule droit (siège de l’âme divine),


כשמתגברת ומתלהבת ומתלהטת במאד מאד, עד כלות הנפש ממש, להשתפך אל חיק אביה, חיי החיים ברוך הוא ולצאת ממאסרה בגוף הגופני וגשמי, לדבקה בו יתברך


quand ce désir prend le dessus et s’enflamme tellement jusqu’à l’expiration de l’âme vraiment, [qui cherche à] se déverser sur le sein de son père, c’est-à-dire à retourner à sa source, qui est la Vie de la vie, et [à] quitter son emprisonnement dans le corps corporel et physique pour s’attacher à Lui, béni soit-Il.


Tel est l’élan dont parle ici le verset : un amour si ardent pour D.ieu, que rien ne semble pouvoir le contenir, qu’il peut aller jusqu’à l’expiration de l’âme. Devant une telle extase, un retour s’impose : « reviens à l’Un ».


אזי זאת ישיב אל לבו, מאמר רז״ל: כי על כרחך אתה חי


Alors, pour freiner l’extase et entreprendre un mouvement de retour, il prendra en considération l’enseignement de nos Sages, de mémoire bénie : « C’est malgré toi que tu vis », en dépit de l’aspiration fiévreuse de ton âme sur le point d’expirer dans la passion consumante de son amour, c’est malgré toi que tu dois demeurer ici-bas,


בגוף הזה, להחיותו, כדי להמשיך חיים עליונים מחיי החיים ברוך הוא למטה, על ידי תורת חיים


dans ce corps, pour le faire vivre, afin d’attirer ici-bas la vie supérieure de la Vie de la vie, béni soit-Il, par la Thora de vie,


להיות דירה בתחתונים לאחדותו יתברך בבחינת גילוי


de sorte qu’il y ait une demeure dans les sphères inférieures pour Son Unité, de manière révélée,


Comme dans une demeure, lieu dans lequel un homme se trouve révélé dans tout son être, l’Unité divine doit être révélée ici-bas dans toute sa vérité.


כמו שנתבאר לעיל


comme expliqué précédemment, à savoir que le dessein divin est précisément de faire de ce monde une demeure pour Lui.


Tel est le sens de « reviens à l’Un » : reviens « pour l’Un » de cet élan extatique c’est-à-dire reviens en vue d’accomplir l’intention divine qui est de révéler l’unité de D.ieu en ce monde.


וכמו שכתוב בזהר הקדוש: למהוי אחד באחד, פירוש: שהיחוד הנעלם יהיה בבחינת עלמא דאתגליא


Et, ainsi qu’il est écrit dans le saint Zohar : « de sorte qu’il y ait l’Un dans l’Un », c’est-à-dire que l’Unité de D.ieu telle qu’elle est dissimulée au rang des sphères supérieures soit traduite sur le plan du monde révélé, c’est-à-dire qu’elle se manifeste ici-bas, à un niveau où l’Unité divine est perçue différemment, d’où l’expression « l’Un dans l’Un ».


וזהו שאומרים: לכה דודי וכו׳


Et c’est là le sens de ce qui est écrit : « Viens, mon Bien-aimé à la rencontre de ta fiancée (kalla) »


Kalla (la fiancée) dénote étymologiquement l’état de kalout hanéfech, l’expiration de l’âme. Dans cette forme de service divin, la passion consumante de l’âme doit ensuite permettre le retour, la révélation divine ici-bas, exprimée par la seconde partie de la phrase : « Viens, mon Bien-aimé (D.ieu) ».


ובזה יובן מאמר רז״ל: על כרחך אתה חי ועל כרחך וכו׳


On comprendra dès lors la sentence de nos Sages : « C’est malgré toi que tu vis et malgré toi, etc. (que tu dois mourir) »


La première partie de cette sentence enseigne que la soif passionnée du Divin qui mène à l’expiration de l’âme, doit être recherchée dans le service de D.ieu : chez qui éprouve pareille soif, la vie matérielle a bien lieu « contre son gré ». Mais la seconde proposition indique, à l’opposé, que la vie doit être ardemment désirée et le contraire de la vie, c’est-à-dire l’expiration de l’âme, survenir « contre ton gré ». Naturellement, se pose alors la question :


ואלא איך יהיה רצונו


Mais quel doit donc être le désir [de l’homme] ?


A la lumière de ce qui a été expliqué, cette sentence peut être comprise : dans un premier temps doit se faire entendre le désir passionné, cet élan d’amour jusqu’à l’expiration de l’âme. La vie en ce monde est alors ressentie comme vécue « contre son gré », dans le seul but d’accomplir la Volonté divine de révéler Son unité ici-bas. Mais lorsque ensuite le mouvement du retour a été résolument engagé et que le nécessaire désir de la vie en ce monde est bel et bien ressenti, doit être à nouveau recherché le mouvement contraire, celui de la passion consumante jusqu’à l’expiration : c’est donc bien, à ce moment d’inversion que, « contre ton gré tu dois susciter un désir pour ce qui est le contraire de la vie ». Pourquoi donc un tel mouvement alternatif d’ « élan » et de « retour » ? Il s’agit d’une part, d’introduire à chaque « retour » une dimension spirituelle nouvelle, supérieure, et d’autre part de prévenir des écueils d’une descente insuffisamment maîtrisée et du risque consécutif de se voir alors indûment absorbé par les affaires du monde.


וכמו שנתבאר במקום אחר באריכות על משנה זו: על כרחך אתה חי, בעזרת חיי החיים ברוך הוא


Et comme il est longuement expliqué ailleurs concernant cette Michna : « C’est malgré toi que tu vis », avec l’aide de la « Vie de la vie », Béni soit-Il.

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