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Tanya - Likoutei Amarim - Chapitre 46

Likoutei Amarim Chapitre 46 _______________


Le chapitre précédent a décrit une voie nouvelle pour accomplir la Thora et les commandements lichma. Elle consiste à mettre en œuvre l’attribut qui caractérise notre père Jacob, la compassion. Il convient en l’occurrence d’éveiller en son esprit une grande compassion pour l’âme et sa source, la Chekhina. Ainsi accomplira-t-on la Thora et les mitsvot en vue de libérer son âme et sa source divine de l’exil provoqué par les mauvaises pensées, paroles et actions dont on est responsable. Avec ce nouveau chapitre, Rabbi Chnéour Zalman va établir à quel point est accessible, « très très proche » pour reprendre les mots mêmes du Tanya, la révélation de l’amour caché de D.ieu que chaque juif porte naturellement en son cœur. Brulant alors comme un amour flamboyant, il conduira à l’accomplissement de la Thora et des mitsvot et permettra de rompre toutes les entraves au service de D.ieu. L’approche qui va être décrite est également nouvelle dans la mesure où, prenant appui sur une disposition naturelle, elle n’est plus liée à un exercice personnel et exigeant de la méditation. Une réflexion, plus générale le remplacera. Tel est son cheminement : la nature humaine est ainsi faite que l’amour témoigné à autrui appelle un amour réciproque. A fortiori, en est-il ainsi quand un personnage important exprime son amour pour un individu insignifiant : l’amour éclos par réciprocité est alors d’autant plus grand. Dans le même esprit, encore que sans aucune commune mesure, l’amour illimité que D.ieu a manifesté au peuple d’Israël en portant Son choix sur lui parmi toutes les créatures, en le faisant sortir d’Egypte, en lui donnant la Thora et les mitsvot, cet amour qui traverse les âges doit éveiller en retour chez les enfants d’Israël un immense amour pour Lui. Et de même que D.ieu a fait abstraction de tous les obstacles à la Création par amour pour l’Homme (comme expliqué longuement au Chapitre quarante-neuf), de même doit-on faire abstraction des obstacles qui gênent le service du Créateur.


פרק מ״ו


ויש דרך ישר לפני איש, שוה לכל נפש, וקרוב הדבר מאד מאד


Il y a un autre chemin droit ouvert à l’homme, identique à chacun, et la chose est « très très proche » et accessible,


לעורר ולהאיר אור האהבה התקועה ומסותרת בלבו


pour éveiller et allumer la lumière de l’amour qui est implantée et dissimulée en son cœur,


Cet amour existe dans le cœur de chaque juif à l’état latent, il est donc très aisé de le révéler dès lors.


להיות מאירה בתוקף אורה, כאש בוערה, בהתגלות לבו ומוחו


de sorte qu’elle éclaire avec sa lumière intense, comme un feu ardent, dans l’état de révélation de son cœur et de son esprit,


למסור נפשו לה׳ וגופו ומאודו


au point de faire don de son âme pour D.ieu, ainsi que de son corps et de ce qu’il possède,


בכל לב ובכל נפש ומאד מעומקא דלבא באמת לאמיתו


et cela sera fait de tout son cœur et de toute son âme et pouvoir avec la ferveur sans limite de l’essence de l’âme, du fond de son cœur, en vérité absolue ;


ובפרט בשעת קריאת שמע וברכותיה, כמו שיתבאר


et cet éveil est particulièrement propice au moment de la lecture du Chéma et de la récitation de ses bénédictions, comme sera expliqué plus loin le lien entre le Chéma avec ses bénédictions et la révélation de cet amour.


והוא


Et c’est le chemin pour révéler un tel amour :


כאשר ישים אל לבו מה שאומר הכתוב: כמים הפנים לפנים, כן לב האדם לאדם


quand il prendra en son cœur ce que dit le verset : « Comme dans l’eau le visage répond au visage, ainsi le cœur de l’homme à l’homme. »


פירוש: כמו שכדמות וצורת הפנים שהאדם מראה במים, כן נראה לו שם במים אותה צורה עצמה


Cela signifie que tout comme dans le cas de l’apparence et la forme du visage qu’un homme présente à l’eau, c’est cette forme-là même qui lui apparaît dans l’eau,


L’eau reflète le visage qui se présente à elle : non pas simplement sa forme superficielle mais aussi les traits qui expriment les émotions profondes de l’âme comme la joie ou l’amertume.


ככה ממש לב האדם הנאמן באהבתו לאיש אחר


c’est exactement pareil dans le cas du cœur de l’homme qui est sincère dans son amour envers un autre,


הרי האהבה זו מעוררת אהבה בלב חבירו אליו גם כן, להיות אוהבים נאמנים זה לזה


cet amour qu’il porte à l’autre éveille aussi l’amour réciproque dans le cœur de son ami pour lui, de sorte qu’ils s’aiment fidèlement l’un l’autre,


Par cela seul que le cœur nourrit un sentiment d’amour envers son prochain se trouve appelé, comme en reflet, un sentiment d’amour réciproque.


בפרט כשרואה אהבת חבירו אליו


en particulier quand il voit l’amour de son ami pour lui.


Lorsque l’amour porté à l’autre ne demeure pas confiné dans le cœur mais lui est manifesté ouvertement, il trouve a fortiori un écho.


והנה זהו טבע הנהוג במדת כל אדם, אף אם שניהם שוים במעלה


Il s’agit là d’une nature commune au caractère de tout homme, même si les deux individus sont de statut identique.


ועל אחת כמה וכמה, אם מלך גדול ורב מראה אהבתו הגדולה והעצומה לאיש הדיוט ונבזה ושפל אנשים, ומנוול ומוטל באשפה


Combien plus en est-il s’[il s’agit d’]un roi grand et puissant [qui] montre son amour, un amour grand et intense envers un homme vulgaire et méprisé, bas parmi les hommes, une créature disgracieuse vautrée dans un tas d’immondices,


ויורד אליו ממקום כבודו עם כל שריו יחדיו


et [le roi] descend à lui du lieu de sa gloire, ensemble avec tous ses princes,


ומקימו ומרימו מאשפתו, ומכניסו להיכלו, היכל המלך, חדר לפנים מחדר, מקום שאין כל עבד ושר נכנס לשם


et le relève et le sort de son tas d’immondices, et l’introduit dans son palais, le palais du roi, et à l’intérieur même du palais, dans ses appartements privés, la chambre la plus intérieure, là où aucun serviteur, ni prince n’entre,


ומתייחד עמו שם ביחוד וקירוב אמיתי, וחיבוק ונישוק, ואתדבקות רוחא ברוחא בכל לב ונפש


et il s’isole là, avec lui dans une unité et une proximité authentiques, avec étreintes et embrassades, et un attachement de « l’esprit avec l’esprit » avec tout son cœur et âme,


lorsqu’un si grand roi témoigne d’une affection et d’une proximité si grandes envers un individu si misérable,


על אחת כמה וכמה שתתעורר ממילא האהבה כפולה ומכופלת בלב ההדיוט ושפל האנשים הזה אל נפש המלך, בהתקשרות הנפש ממש, מלב ונפש, מעומקא דלבא לאין קץ


combien plus encore s’éveillera automatiquement l’amour double et redoublé dans le cœur de l’individu vulgaire et bas envers la personne du roi, avec un attachement de l’âme véritablement, du cœur et de l’âme, des profondeurs du cœur, sans limite.


ואף אם לבו כלב האבן, המס ימס והיה למים, ותשתפך נפשו כמים בכלות הנפש ממש, לאהבת המלך


Et même si son cœur est comme un cœur de pierre (qui n’est pas facillement éveillé à un sentiment d’amour envers autrui), il fondra et deviendra [comme] de l’eau, et son âme se déversera comme de l’eau, une âme languissante d’amour pour le roi.


Rabbi Chnéour Zalman va à présent démontrer que cette image correspond dans tous ses détails, mais sans aucune commune mesure, à la relation de D.ieu, Roi du monde, avec Israël. Alors en Egypte dans un état de grande déchéance spirituelle, Israël a pourtant reçu le témoignage d’amour sans limite de D.ieu Qui est Lui-même descendu pour le délivrer et l’élever jusqu’aux plus hauts sommets, lors du Don de la Thora par laquelle s’accomplit l’union absolue avec Lui. Par ailleurs, il n’est pas ici question d’un fait passé, mais, bien au contraire, d’un témoignage d’amour qui se renouvelle en tout temps et à tout instant, franchissant les époques, traversant les âges, ainsi qu’il sera expliqué plus loin. Ainsi, « comme dans l’eau le visage répond au visage », en s’attachant à cette pensée chacun révèlera en son cœur un amour intense pour D.ieu.


והנה ככל הדברים האלה, וככל החזיון הזה, וגדול יתר מאד בכפלי כפליים לאין קץ, עשה לנו אלקינו


Or, c’est d’une manière semblable à tous ces détails-là et semblable à toute cette vision de l’amour exprimé par le roi, [mais] dans une mesure plus grande, double et multiple sans aucune limite, que l’Eternel notre D.ieu a agi envers nous.


L’amour témoigné par D.ieu à Israël est encore infiniment plus grand que l’amour figuré par la parabole du roi charnel.


כי לגדולתו אין חקר


Car Sa grandeur est insondable,


L’image montrait un roi « grand et puissant » : de même ici, le Roi est grand, mais sa grandeur, sans aucune commune mesure avec la grandeur d’un roi de chair et de sang, est insondable. Le fait qu’il gouvernât de nombreuses provinces traduisait la puissance du roi charnel : combien plus, ad infinitum, en est-il ainsi s’agissant du royaume de D.ieu, comme il va être montré.


ואיהו ממלא כל עלמין וסובב כל עלמין


et Il emplit tous les mondes et enveloppe tous les mondes,


ונודע מזהר הקדוש והאר״י ז״ל ריבוי ההיכלות והעולמות עד אין מספר, ובכל עולם והיכל, ריבוא רבבות מלאכים לאין קץ ותכלית


et on sait du saint Zohar et du Ari zal la multitude de palais (niveaux spécifiques à l’intérieur de chaque monde) et de mondes innombrables, et dans chaque monde et palais les myriades de myriades d’anges, sans limite et sans fin.


וכמו שכתוב בגמרא: כתיב, היש מספר לגדודיו, וכתיב, אלף אלפין ישמשוניה, וריבו רבבן קדמוהי גו׳


Et comme dit le Talmud : Il est écrit : « Y a-t-il un nombre à Ses régiments d’anges ? » et il est écrit par ailleurs « Mille milliers le servent et dix mille myriades se tiennent devant Lui… »


Le second verset évoque un nombre fini d’anges (même s’il s’agit d’un très grand nombre), tandis que le premier parle d’une infinité. Le Talmud relève cette apparente contradiction.


ומשני: אלף אלפין וכו׳ מספר גדוד אחד, אבל לגדודיו אין מספר


Et de répondre : le second verset « mille milliers, etc. » correspond au nombre d’anges d’un régiment, mais le premier verset parle des régiments et Ses régiments sont indénombrables.


וכולם קמיה כלא ממש חשיבי, ובטלים במציאות ממש, כביטול דבור אחד ממש לגבי מהות הנפש המדברת ועצמותה, בעוד שהיה דיבורה עדיין במחשבתה, או ברצון וחמדת הלב, כנזכר לעיל באריכות


Et tous sont comptés comme rien véritablement devant Lui, et ils sont « effacés dans leur existence », comme une parole est véritablement annulée par rapport à l’être et l’essence de l’âme articulée (douée de la faculté de parole), lorsque la parole exprimée par l’âme se trouvait encore dans sa pensée ou dans la volonté et désir du cœur, comme expliqué longuement plus haut.


Une parole prononcée, bien qu’elle existe alors comme une entité distincte, est totalement insignifiante rapportée à l’âme elle-même. Il en est ainsi, a fortiori, lorsque cette parole se trouve encore à l’état potentiel dans la pensée, ou, bien plus, lorsqu’elle demeure confinée dans un désir du cœur qui n’est pas encore traduit en pensée (la parole procède en effet de la pensée et du désir du cœur : un homme exprime ce qu’il a pensé et désire exprimer). Le « mot » est alors totalement effacé, sans aucune existence propre. La Parole divine créatrice, qui crée et anime les anges ainsi que les mondes et tous les êtres créés, demeure toujours absorbée et donc effacée dans sa source : l’idée de séparation inhérente à l’expression de la parole humaine ne concerne aucunement la Parole divine.


וכולם שואלים: איה מקום כבודו, ועונים: מלא כל הארץ כבודו, הם ישראל עמו


Et tous les anges demandent : « Où est le lieu de Sa gloire ? » Et ils répondent : « Toute la terre est pleine de Sa gloire ». C’est Israël, son peuple. Autrement dit : comment l’ici-bas est-il empli de Sa gloire ? Par le fait d’Israël Son peuple.


כי הניח הקב״ה את העליונים ואת התחתונים


Car le Saint Béni soit-Il a laissé de côté les créatures des mondes supérieurs et inférieurs,


ולא בחר בכולם, כי אם בישראל עמו, והוציאם ממצרים, ערות הארץ, מקום הזוהמא והטומאה


et Il n’a choisi aucun d’entre eux, mais seulement Israël Son peuple : Il les a sortis d’Egypte, l’impudicité de la terre, lieu de la souillure et de l’impureté,


Tel le roi qui relevait lui-même le malheureux qui se vautrait dans les immondices, D.ieu Lui-même a libéré les enfants d’Israël de l’effroyable servitude égyptienne,


ולא על ידי מלאך ולא על ידי כו׳, אלא הקב״ה בכבודו ובעצמו ירד לשם כמו שכתוב: וארד להצילו וגו׳


non au moyen d’un ange, ni d’un… émissaire, mais le Saint Béni soit-Il Lui-même dans Sa gloire y descendit, comme il est dit : « Et je suis descendu pour le sauver, etc. »,


Dans la parabole, après avoir tiré son indigne sujet hors du fumier où il était embourbé, le roi l’emmenait avec lui au palais. Là, il lui témoignait la plus chaleureuse amitié. De même, D.ieu a-t-il conduit les juifs hors d’Egypte,


כדי לקרבם אליו בקירוב ויחוד אמיתי, בהתקשרות הנפש ממש


afin de les rapprocher à Lui dans une proximité et une union authentiques, avec un attachement de l’âme,


De la Thora, D.ieu dit : « J’ai inscrit et donné Mon âme«  (les initiales des mots de cette phrase forment le mot Anokhi, « Je », que D.ieu a prononcé avec les Dix Commandements). Il y a donc littéralement un « attachement de l’âme » d’Israël avec D.ieu qui s’accomplit par le Don de la Thora.


בבחינת נשיקין פה לפה, לדבר דבר ה׳, זו הלכה


sous forme de « baisers » de bouche à bouche (la bouche du juif étant unie à la bouche, la Parole divine) en exprimant la « parole de D.ieu qui est la Halakha »,


Celui qui étudie et prononce les paroles de la Thora unit sa parole à la Parole divine. Cette union est décrite comme un baiser : et de même que le baiser a une dimension extérieure, mais aussi une dimension intérieure, plus profonde, qui est l’attachement du souffle et de l’esprit, de même l’étude de la Thora représente à la fois un attachement de la parole humaine à la Parole divine.


ואתדבקות רוחא ברוחא, היא השגת התורה, וידיעת רצונו וחכמתו


et un « attachement de l’esprit » de l’homme « avec l’esprit » d’en Haut, ce qui est la compréhension de la Thora et la connaissance de Sa volonté et Sa sagesse,


Etudier ainsi la Thora revient à connaître la Volonté et la Sagesse de D.ieu. La Halakha, c’est-à-dire la loi qui tranche que telle chose est pure ou impure, appropriée ou disqualifiée, est la Volonté de D.ieu : c’est Sa volonté que telle soit la loi applicable. Quant aux raisons et principes qui sous-tendent la Loi, ils sont Sa Sagesse.


דכולא חד ממש


qui ne fait entièrement qu’un avec Lui.


La Volonté et la Sagesse de D.ieu ne font qu’un avec Lui-même : cette union du souffle et de « l’esprit avec l’esprit » par les « baisers », qui est vécue dans l’étude de la Thora, est donc une union avec D.ieu Lui-même.


וגם בבחינת חיבוק


Et l’union avec D.ieu qui s’accomplit à travers le Don de la Thora prend également la forme d’une étreinte à l’image d’une étreinte matérielle,


הוא קיום המצות מעשיות ברמ״ח אברים


il s’agit de l’accomplissement des mitsvot pratiques avec les 248 membres du corps. L’accomplissement des mitsvot est une forme d’union dans laquelle tout le corps se trouve étreint par les 248 membres de D.ieu, si l’on peut ainsi dire.


דרמ״ח פיקודין הן רמ״ח אברין דמלכא, כנזכר לעיל


Car les 248 commandements sont les 248 « membres du Roi », comme rapporté précédemment.


Chaque membre du corps est un réceptacle pour une certaine faculté de l’âme qui trouve à travers lui son expression (comme, par exemple, l’œil pour la faculté de voir). Et, de façon identique, chaque mitsva est le réceptacle d’une expression particulière de la Volonté de D.ieu qui veut qu’un juif accomplisse cette mitsva.


ודרך כלל נחלקין לשלש בחינות: ימין ושמאל ואמצע, שהן חסד דין ורחמים


Et, de manière générale, [ces 248 commandements] sont partagés en trois catégories : la droite, la gauche et le milieu qui sont ‘Hessed (la bonté), Dine (la rigueur) et Ra’hamim (la compassion),


La « droite » correspond à ‘Hessed, la gauche au Dine, et le trait du milieu à Ra’hamim, lesquels constituent


תרין דרועין וגופא וכו׳


les deux bras et le corps. ‘Hessed est le bras droit, Guevoura le bras gauche et Ra’hamim le corps.


Ainsi, de même que dans l’étreinte matérielle les deux bras et le corps étreignent, de même les « deux bras » et le « corps » du Roi que sont les mitsvot étreignent le juif qui les accomplit.


וזה שאומרים: אשר קדשנו במצותיו


C’est ce que nous disons dans le texte des bénédictions qui précèdent l’accomplissement d’une mitsva : « [Béni soit D.ieu] Qui nous a sanctifiés (kidéchanou) par Ses commandements »,


Le mot kidéchanou, généralement traduit par « qui nous a sanctifiés » se rattache au mot kidouchine qui signifie les liens matrimoniaux établis lors d’un mariage.


כאדם המקדש אשה, להיות מיוחדת עמו ביחוד גמור, כמו שכתוב: ודבק באשתו והיו לבשר אחד


comme un homme qui épouse une femme, de sorte qu’elle soit unie avec lui en parfaite unité, ainsi qu’il est dit : « Et il s’attachera à sa femme et ils seront une seule chair ».


ככה ממש, ויתר על כן לאין קץ, הוא יחוד נפש האלקית העוסקת בתורה ומצות, ונפש החיונית ולבושיהן הנ״ל, באור אין סוף ברוך הוא


C’est exactement comme l’union du mariage et infiniment plus encore qu’est l’union de l’âme divine qui se consacre à la Thora et aux commandements [ainsi que] de l’âme vitale et ses vêtements (de pensée, parole et action) précédemment mentionnés, avec la lumière de l’Infini Divin, Béni soit-Il.


Cette union est infiniment plus grande que l’union des époux : cette dernière est pourtant au plan matériel la plus forte qui soit. Elle est désignée par le terme kidouchine.


ולכן המשיל שלמה עליו השלום בשיר השירים יחוד זה ליחוד חתן וכלה


C’est pourquoi Salomon, de mémoire bénie, a comparé dans le Cantique des cantiques cette union entre D.ieu et Israël par la Thora et les commandements à l’union du marié et de la mariée,


בדביקה חשיקה וחפיצה, בחיבוק ונישוק


avec un attachement, une passion et un désir (gradation ascendante dans l’intimité de la relation), étreinte et baisers. Tous ces aspects se retrouvent dans la relation et l’union entre Israël et D.ieu à travers la Thora et les mitsvot.


Rabbi Chnéour Zalman nous a fait entendre la résonnance, dans le mot kidéchanou, de l’union consacrée par le mariage : c’est une union semblable qui est vécue lorsqu’est accomplie une mitsva. Il va exposer maintenant que ce mot, kidéchanou, renvoie également au rang de sainteté (kédoucha) auquel le juif est élevé par la Thora et les mitsvot : kodech, le degré synonyme de transcendance et de séparation d’avec tous les mondes.


וזה שאומרים: אשר קדשנו במצותיו


C’est là ce que nous disons dans le texte de la bénédiction préalable à une mitsva : « Qui nous a sanctifiés par Ses commandements ». Le terme kidéchanou, « Qui nous a sanctifiés » signifie


שהעלנו למעלת קודש העליון, ברוך הוא, שהיא קדושתו של הקב״ה בכבודו ובעצמו


qu’Il nous a élevés jusqu’au rang de la Sainteté suprême, qui est la sainteté du Saint Béni soit-Il dans Sa gloire et en Lui-même.


וקדושה היא לשון הבדלה, מה שהקב״ה הוא מובדל מהעולמות


Et le mot kedoucha (« sainteté ») est [un terme] qui exprime la séparation, [le fait] que le Saint Béni soit-Il est séparé des mondes,


והיא בחינת סובב כל עלמין, מה שאינו יכול להתלבש בהן


c’est le degré du Divin qui « enveloppe tous les mondes », qui ne peut pas s’en revêtir.


Qui agit sur les mondes de manière transcendante, ne pouvant se revêtir, être appréhendé à l’intérieur d’eux. C’est à ce rang de la « sainteté » que les juifs se trouvent élevés par les mitsvot.


כי על ידי יחוד הנפש והתכללותה באור אין סוף ברוך הוא, הרי היא במעלת ומדרגת קדושת אין סוף ברוך הוא ממש


Car par l’union de l’âme et son absorption dans la lumière du Ein Sof, elle est alors au rang et au degré de la sainteté du Ein Sof, Béni soit-Il, vraiment,


מאחר שמתייחדת ומתכללת בו יתברך, והיו לאחדים ממש


dès lors qu’elle s’unit avec Lui et est absorbée en lui, et qu’ils deviennent un vraiment.


וזה שכתוב: והייתם לי קדושים כי קדוש אני ה׳, ואבדיל אתכם מן העמים להיות לי


C’est là ce qui est écrit : « Et vous serez saints pour Moi, car Moi, l’Eternel, Je suis saint, et Je vous ai séparés des autres peuples pour que vous soyez Miens. »


La Thora donne ici une raison à la sainteté d’Israël qu’elle rattache à la sainteté de D.ieu, la Sainteté suprême, à laquelle les juifs sont élevés par la Thora et les mitsvot : la sainteté consiste en la séparation exprimée par le verset « et Je vous ai séparés (des autres peuples) ».


ואומר: ועשיתם את כל מצותי והייתם קדושים לאלקיכם, אני ה׳ אלקיכם וגו׳


Et un autre verset dit : « Vous ferez tous Mes commandements et vous serez saints pour votre D.ieu, Je suis l’Eternel votre D.ieu, etc. » comme un homme qui épouse une femme pour qu’elle devienne son épouse et qu’il devienne son mari.


פירוש: כי על ידי קיום המצות הריני אלוה שלכם


Cela signifie que par l’accomplissement des commandements, Je deviens votre D.ieu »,


כמו אלקי אברהם, אלקי יצחק וכו׳


comme D.ieu est appelé « D.ieu d’Abraham », « D.ieu d’Isaac », etc.


שנקרא כן מפני שהאבות היו בחינת מרכבה לו יתברך


[Il est] appelé ainsi parce que les Patriarches constituaient un char pour Lui,


ובטלים ונכללים באורו


étant effacés et absorbés dans Sa lumière.


וככה הוא בכל נפש מישראל, בשעת עסק התורה והמצות


Il en va de même de chaque âme d’Israël au moment de l’étude la Thora et de l’accomplissement des commandements.


Il se trouve à ce moment-là effacé et absorbé à l’intérieur de la lumière divine. Cet état d’union avec D.ieu, continuel chez les Patriarches, se retrouve en chacun au moment de l’étude de la Thora et de l’accomplissement des mitsvot.


ולכן חייבו רז״ל לקום ולעמוד מפני כל עוסק במצוה, אף אם הוא בור ועם הארץ


C’est pourquoi les Sages, de mémoire bénie, ont fait obligation de se lever et de tenir debout devant quiconque accomplit un commandement, même si [ce dernier] est rustre et ignorant, il faut néanmoins se lever devant lui au moment où il exécute une mitsva, par exemple pendant qu’il apporte les prémices (bikourim) au Temple.


והיינו מפני ה׳ השוכן ומתלבש בנפשו בשעה זו


cela, pour D.ieu qui réside et se revêt dans son âme à ce moment-là.


רק שאין נפשו מרגשת


C’est seulement que son âme ne ressent pas la sainteté qui repose en elle au moment de la mitsva. Pourquoi cela ?


מפני מסך החומר הגופני שלא נזדכך, ומחשיך עיני הנפש מראות מראות אלקים


du fait du rideau [constitué par] la matérialité corporelle qui n’a pas été raffinée et qui obscurcit les yeux de l’âme [l’empêchant] de voir les visions divines,


כמו האבות וכיוצא בהן, שראו עולמם בחייהם


comme les Patriarches et leurs pairs qui ont « vu leur monde le monde Futur de leur vivant. »


A l’intérieur même de ce monde matériel, ils perçurent la révélation divine réservée à l’âme dans le Monde futur. Leur corps raffiné ne dressait pas d’obstacle devant le Divin. Défait de l’enveloppe charnelle qui obscurcit les yeux de l’âme, chaque juif percevrait la sainteté qui inonde son âme au moment de l’accomplissement d’une mitsva.


וזה שאמר אסף ברוח הקדש בעד כל כנסת ישראל שבגולה


C’est là ce qu’a dit Assaf, par inspiration divine, concernant toute la communauté d’Israël qui serait en exil :


L’exil est caractérisé par le voile et la dissimulation du Divin. Parlant de l’exil, Assaf s’exclame :


ואני בער ולא אדע, בהמות הייתי עמך, ואני תמיד עמך


« Et je suis un sot, ne sachant rien, j’étais comme des animaux avec Toi. Et je suis continuellement avec Toi. »


כלומר, שאף על פי שאני כבהמה בהיותי עמך


Cela veut dire que bien que je sois comme un « animal » quand je suis avec Toi, c’est-à-dire au moment de l’accomplissement d’une mitsva, alors que l’union avec D.ieu est vécue,


ולא אדע ולא ארגיש בנפשי יחוד זה


et que je ne sais pas et ne ressents pas cette union de mon âme avec D.ieu par la mitsva,


שתפול עליה אימתה ופחד תחלה, ואחר כך אהבה רבה בתענוגים או כרשפי אש


de manière à ce que s’abatte sur elle (l’âme) tout d’abord la crainte et la peur, suivies d’un immense amour dans les délices ou comme des charbons ardents,


כמדת הצדיקים שנזדכך חומרם


à la mesure des tsaddikim dont la matérialité a été raffinée,


Les tsaddikim ressentent, eux, cette union, quand ils accomplissent une mitsva. Cette perception agit sur leur âme, d’abord saisie par la crainte de D.ieu, puis par un immense amour pour Lui.


וכנודע שדעת הוא לשון הרגשה בנפש, והוא כולל חסד וגבורה


[car,] comme on le sait, Daat exprime le fait de ressentir dans l’âme et comprend ‘Hessed et Guevoura (‘Hessed correspond à l’amour et Guevoura à la crainte),


Qu’en est-il alors, de ceux qui ne sont pas des tsaddikim ? A leur propos, Assaf déclare : « Je suis sot, ne sachant pas, j’étais comme des animaux avec Toi », c’est-à-dire que je ne ressens pas cette union qui ne suscite en moi ni amour ni crainte.


אף על פי כן אני תמיד עמך,


néanmoins, ajoute Assaf « je suis continuellement avec Toi ».


כי אין החומר מונע יחוד הנפש באור אין סוף ברוך הוא, הממלא כל עלמין


Car la matérialité n’empêche pas l’union de l’âme avec la lumière du Ein Sof, Béni soit-Il, Qui emplit tous les mondes,


Chaque lieu, chaque objet est empli de la lumière du Ein Sof. La matérialité peut seulement faire écran à la révélation de cette union à l’intérieur de l’âme, de sorte que l’âme ne ressent pas l’union avec la lumière du Ein Sof au moment de l’accomplissement d’une mitsva. Mais cette union en soi ne peut être empêchée.


וכמו שכתוב: גם חושך לא יחשיך ממך


ainsi qu’il est dit : « Même les ténèbres ne font pas obscurité pour Toi. »


ובזה


Avec ce qui vient d’être dit, à savoir que chaque juif qui accomplit une mitsva reçoit en son âme la sainteté de Kodech haélione et s’unit avec la lumière du Ein Sof, et bien que cette sainteté et cette union en son âme ne soient pas ressentis comme c’est le cas chez le tsaddik,


יובן חומר עונש איסור מלאכה בשבתות וחמץ בפסח, השוה לכל נפש


on comprendra la gravité de la punition pour [la transgression de] l’interdit de [faire un] travail le chabbat, ou [pour la consommation du] ‘hamets à Pessa’h, identique à tout un chacun,


Un tsaddik qui aurait, à D.ieu ne plaise, effectué un travail le chabbat ou consommé du ‘hamets à Pessa’h, sa punition serait identique à celle d’un ignorant qui commet la même transgression. Pourquoi ?


לפי שאף בנפש בור ועם הארץ גמור מאיר אור קדושת שבת ויום טוב, ונידון בנפשו בכרת וסקילה על חילול קדושה זו


car même dans l’âme d’un rustre et parfait ignorant brille la lumière de la sainteté du chabbat et des jours de fête, et il encoure la peine capitale de retranchement (pour la consommation de ‘hamets à Pessa’h) ou de lapidation (pour la réalisation d’un travail le chabbat) pour la profanation de cette sainteté qui illumine l’âme. Dès lors que cette lumière brille en son âme, bien qu’elle ne soit pas ressentie, la punition est la même, parce qu’il profane la sainteté du chabbat ou de la fête qui rayonne en son âme.


וגם משהו חמץ, או טלטול מוקצה, פוגם בקדושה שעל נפשו כמו בקדושת נפש הצדיק


Et même une quantité minime de ‘hamets à Pessa’h ou le déplacement d’une chose qui est mouktsé altère la sainteté [qui repose] sur son âme comme la sainteté dans l’âme d’un tsaddik,


כי תורה אחת לכולנו


car la Thora est une [et même] pour nous tous. Les lois de la Thora, comme les interdits du travail le chabbat ou du ‘hamets à Pessa’h, s’appliquent de manière identique à tous les juifs.


Tel est donc le sens du verset : bien que « je suis comme un animal avec toi » car je ne perçois pas la sainteté qui imprègne l’âme par la mitsva, néanmoins, cette sainteté n’est pas absente et se trouve chez l’ignorant autant que chez le tsaddik, comme le dit immédiatement après le verset : « Et je suis continuellement avec Toi ». Entre les parenthèses qui vont suivre, le Tanya va, pour conclure ce chapitre, interroger le pluriel utilisé par une partie du verset : « Je suis comme des animaux ». Il explique que l’accomplissement des mitsvot par celui qui est au rang de l’animal, c’est-à-dire qui est dépourvu de la connaissance et de la perception dont il a été question se rattache à un rang du Divin non pas « inférieur » mais qui, au contraire, transcende la connaissance. Ce rang porte également le nom de behéma (l’animal) précisément parce qu’il n’est pas rattaché à la compréhension mais la transcende. Telle est donc la signification du pluriel employé : deux animaux ici sont liés, celui qui n’est que dépourvu de compréhension et celui qui la transcende.


[ומה שכתוב: בהמות, לשון רבים


(Quant à l’emploi du mot « animaux » au pluriel, alors que le reste du verset, ainsi que le verset suivant, sont au singulier,


לרמז כי לפניו יתברך גם בחינת דעת העליון, הכולל חסד וגבורה, נדמה כבהמות ועשייה גופנית לגבי אור אין סוף


[il] fait allusion [au fait] que devant Lui, béni soit-Il, même le degré de Daat Elyon (« la Connaissance supérieure »), qui comprend ‘Hessed et Guevoura, est comparé à des animaux et à l’action physique (c’est-à-dire non pas même au monde d’Assia spirituel, mais au monde d’Assia physique) à l’égard de la lumière du Ein Sof,


כמו שכתוב: כולם בחכמה עשית


ainsi qu’il est dit : « Tu les as tous faits avec sagesse » (le verset rattache ici la sagesse à l’action physique, car même l’attribut de la sagesse est devant D.ieu assimilé à l’action physique).


ונקרא בהמה רבה, כמו שכתוב במקום אחר


Et cela est appelé Behéma rabba (« grand animal »), ce qui dénote le niveau de l’animal qui n’appartient pas à la compréhension et transcende celle-ci, comme il est expliqué ailleurs.


והוא שם ב״ן, בגימטריא בהמ״ה, שלפני האצילות].


Et parmi les Noms divins cela [correspond au] Nom Bane l’une des orthographes complètes du Tétragramme a pour valeur numérique 52 (ב״ן), qui est également la valeur numérique du mot Behéma, cela correspond à ce Nom divin tel qu’il est au-delà du monde d’Atsilout.)

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