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Tanya - Likoutei Amarim - Chapitre 42

Likoutei Amarim Chapitre 42 _______________


Le chapitre précédent a défini la crainte de D.ieu comme une condition sine qua non du « service » divin dans les deux domaines que sont l’accomplissement des commandements positifs et l’observance des commandements négatifs. Le degré de crainte qui est requis du « serviteur » et qui, précisément, le caractérise comme tel, est accessible à tous. Pour l’atteindre, chacun doit réfléchir sur ce fait : le « regard » de D.ieu scrute mes pensées et mon cœur, observant comment je remplis ce service. Ainsi appellera-t-il, en son esprit au moins, une certaine crainte qui s’exprimera dans l’étude de la Thora et la pratique des commandements. Rabbi Chnéour Zalman a également noté que cette forme de crainte est, de manière générale, appelée yira tataa, le « degré inférieur de crainte ». C’est cette « crainte inférieure » qui est définie par la Michna comme préliminaire à l’accomplissement de la Thora et des commandements.


פרק מ״ב


והנה במה שכתוב לעיל בענין יראה תתאה


Or, avec ce que l’on a dit plus haut concernant la « crainte inférieure » (le degré de crainte de D.ieu requis pour l’accomplissement de la Thora et des mitsvot, accessible à chacun),


יובן היטב מה שנאמר בגמרא על פסוק: ועתה ישראל מה ה׳ אלקיך שואל מעמך כי אם ליראה את ה׳ אלקיך, אטו יראה מילתא זוטרתי היא


on comprendra clairement ce que dit le Talmud sur le verset : « Et maintenant, Israël, que demande de toi l’Eternel ton D.ieu si ce n’est de craindre l’Eternel ton D.ieu. » Le Talmud s’interroge d’emblée : La crainte est-elle une petite chose (une chose si simple pour que le verset s’exprime ainsi) ?


אין: לגבי משה מילתא זוטרתי היא וכו׳


Et le Talmud de répondre : « Oui, à l’égard de Moïse, c’est une petite chose ». Littéralement, cette réponse signifie que la crainte du Ciel représente peu de chose pour la personne de Moïse qui, ici, s’adresse à la communauté d’Israël.


דלכאורה אינו מובן התירוץ, דהא שואל מעמך כתיב


A priori, on ne comprend pas la réponse du Talmud, car il est pourtant écrit : « [Qu’est-ce que D.ieu demande] de toi » ?


L’emploi de la seconde personne du singulier implique que Moïse s’adresse ici à chacun : or, à l’évidence, craindre D.ieu n’est pas une « petite chose » pour chaque juif ! Et en quoi, alors, cette réponse : « à l’égard de Moïse, c’est une petite chose » pourrait-elle être valide ? Rabbi Chnéour Zalman revient sur cette réponse du Talmud : elle ne fait pas référence à la personne même de Moïse, mais à une dimension que Moïse transmet à chacun, la connaissance (Daat) de D.ieu, plus précisément la force d’attachement et d’application de la conscience à D.ieu, par laquelle le Divin est proprement ressenti. A l’aune de cette dimension reçue de Moïse et présente en chaque juif, la crainte de D.ieu est effectivement une « petite chose ». Car elle dépend en effet de la faculté de Daat qui permet de ressentir le Divin et, ainsi, d’engendrer les sentiments du cœur.


אלא הענין הוא כי כל נפש ונפש מבית ישראל יש בה מבחינת משה רבנו עליו השלום, כי הוא משבעה רועים


Mais l’idée est [la suivante] : chaque âme d’Israël a en elle du niveau de Moïse, puisse son âme reposer en paix,


הממשיכים חיות ואלקות לכללות נשמות ישראל, שלכן נקראים בשם רועים


car il est [l’un] des « sept bergers », qui apportent vitalité et divinité à l’ensemble des âmes d’Israël, et c’est pour cette raison qu’ils sont qualifiés de bergers.


A l’image d’un berger qui nourrit et entretient son troupeau, chacun des sept bergers pourvoit les âmes d’Israël de « vitalité » et de « divinité » en fonction de la midda (« l’attribut ») qui lui est propre, l’amour et la bonté pour Abraham par exemple. La tradition ‘hassidique rapporte que Rabbi Chnéour Zalman s’est interrogé plusieurs semaines sur la question de séparer (ou non) par la conjonction « et » les termes « vitalité » et « divinité ». Devait-il, autrement dit, écrire : « vitalité divine » ou « vitalité et divinité ». Il opta finalement pour ce dernier choix, le mot « vitalité » faisant référence à l’amour et à la crainte de D.ieu, alors que « divinité » renvoie à l’effacement devant D.ieu.


ומשה רבנו, עליו השלום, הוא כללות כולם, ונקרא רעיא מהימנא,


Et Moïse notre maître, que son âme repose en paix, est celui qui englobe tous [les autres bergers] et il est appelé « le berger fidèle ».


דהיינו שממשיך בחינת הדעת לכללות ישראל לידע את ה׳


Cela veut dire qu’il apporte le degré de Daat à l’ensemble d’Israël, pour connaître D.ieu (de sorte que les juifs aient connaissance et conscience du Divin, que le Divin soit ressenti),


כל אחד כפי השגת נשמתו ושרשה למעלה


chacun selon la capacité intellectuelle de son âme et les hauteurs de la racine spirituelle [de son âme] en haut, et combien elle s’alimente de la racine de l’âme de Moïse notre maître,


ויניקתה משרש נשמת משה רבנו, עליו השלום, המושרשת בדעת העליון שבי׳ ספירות דאצילות המיוחדות במאצילן, ברוך הוא


laquelle est enracinée dans le Daat Elyon (le degré de la Connaissance en Haut) dans les dix Séfirot d’Atsilout, lesquelles sont unies avec Celui dont elles émanent,


De même que l’on donne à D.ieu le nom de Créateur au regard des êtres créés, de même dit-on de Lui, au regard du monde de l’Emanation (Atsilout), que D.ieu est « Celui dont il (ce monde) émane », l’idée d’émanation évoquant ici une révélation, une extension de la lumière divine, ce qu’est le monde d’Atsilout.


שהוא ודעתו אחד, והוא המדע כו׳


car Lui et Sa connaissance font un et « Il est la Connaissance… »


Comme expliqué au Chapitre deux, la notion d’ « attributs intellectuels » du Divin se distingue de la connaissance humaine. Cette dernière se fonde sur trois éléments distincts : (a) l’âme en tant que « connaissant », (b) la connaissance, faculté cognitive qui permet à l’âme de connaître, et (c) l’objet connu. En revanche, de la Sagesse divine il est dit : « Il est (Lui-même) la Connaissance, le Connaissant, et le Connu ». Ainsi, si l’on peut dire, l’attribut de Daat ne fait-il qu’un avec Lui. Or, c’est à ce niveau de Daat que l’âme de Moïse prend sa source. En recevant cet aspect de Daat de l’âme de Moïse, chaque juif peut ainsi connaître et ressentir le Divin même. L’application de la faculté de Daat lui permet effectivement de prendre conscience, de ressentir que D.ieu se tient au-dessus de lui et sonde ses actions : la crainte de D.ieu est bien, sous cet aspect, une « petite chose » accessible à chacun. Rabbi Chnéour Zalman va maintenant introduire une idée supplémentaire (« plus encore ») : outre ce rayonnement de l’âme de Moïse dont elles s’alimentent, les âmes d’Israël reçoivent une autre dimension, plus subtile encore, de Moïse. En chaque génération, les sages de la génération, porteurs d’étincelles de l’âme de Moïse, ont pour rôle d’enseigner la connaissance (Daat) au peuple d’Israël. À la différence du rayonnement qui n’est pas le luminaire proprement dit, l’étincelle est une parcelle du corps incandescent lui-même : ainsi, ces étincelles de l’âme de Moïse chez les sages de la génération sont une partie de l’âme de Moïse. Et ces derniers enseignent au peuple à connaître D.ieu pour ainsi Le servir avec le cœur.


ועוד זאת, יתר על כן,


Du reste, plus encore :


בכל דור ודור יורדין ניצוצין מנשמת משה רבנו, עליו השלום, ומתלבשין בגוף ונפש של חכמי הדור, עיני העדה


en chaque génération, des étincelles de l’âme de Moïse, descendent et se vêtent du corps et de l’âme des sages de la génération, les « yeux » (les dirigeants) de l’assemblée,


En raison de cette « étincelle » dont il est porteur, le dirigeant de l’assemblée répond parfois au nom de Moïse dans le Talmud, comme dans la phrase : « Moïse, parles-tu sérieusement ? ». Cette étincelle n’est pas seulement revêtue de son âme, mais aussi de son corps : d’où l’adage ‘hassidique selon lequel « on ne se lasse jamais de regarder un Rabbi », car le Rabbi est porteur de cette étincelle de Moïse.


ללמד דעת את העם, ולידע גדולת ה׳ ולעבדו בלב ונפש


pour enseigner la connaissance (Daat) au peuple, à connaître la grandeur de D.ieu et à Le servir avec cœur et âme.


כי העבודה שבלב היא לפי הדעת, כמו שכתוב: דע את אלקי אביך, ועבדהו בלב שלם ונפש חפצה


Car le service du cœur (c’est-à-dire la crainte et l’amour de D.ieu) est à la mesure de Daat, de la connaissance et de la compréhension du Divin, ainsi qu’il est dit : « Connais le D.ieu de ton père et sers-Le d’un cœur entier et d’une âme passionnée. »


Le service « d’un cœur entier » dépend de la « connaissance de D.ieu », connaissance qui est dispensée par les sages de la génération, porteurs d’étincelles de Moïse.


ולעתיד הוא אומר: ולא ילמדו איש את רעהו לאמר, דעו את ה׳, כי כולם ידעו אותי וגו׳


Et c’est seulement concernant le futur c’est-à-dire l’ère messianique qu’il est dit : « Et ils ne s’instruiront plus l’un l’autre, en disant : « Connaissez l’Eternel », car tous Me connaîtront, etc. »


Telle sera, en effet, l’époque messianique ; aujourd’hui cependant, le recours au maître qui enseigne la « connaissance » de la grandeur de D.ieu est indispensable pour parvenir au cœur, à l’amour et la crainte dans le service de D.ieu. Cette dimension de Moïse, reçue à travers les sages de la génération (« les étincelles de l’âme de Moïse »), influe intérieurement sur le service de D.ieu de chacun.


אך עיקר הדעת אינה הידיעה לבדה, שידעו גדולת ה׳ מפי סופרים ומפי ספרים


Mais l’essentiel de Daat, qui conduit au service de D.ieu de toute son âme et de tout son cœur, n’est pas la seule connaissance de la grandeur de D.ieu que l’on apprend des maîtres et des livres, c’est-à-dire le fait d’apprendre les idées relatives à la grandeur de D.ieu à partir des sages, les « yeux de l’assemblée », et des livres,


אלא העיקר הוא להעמיק דעתו בגדולת ה׳, ולתקוע מחשבתו בה׳ בחוזק ואומץ הלב והמוח


mais l’essentiel est d’immerger profondément sa propre faculté de Daat dans la contemplation de la grandeur de D.ieu, et de fixer sa pensée sur les idées relatives à la grandeur de D.ieu avec la puissance et la fermeté du cœur et de l’esprit,


עד שתהא מחשבתו מקושרת בה׳ בקשר אמיץ וחזק, כמו שהיא מקושרת בדבר גשמי שרואה בעיני בשר ומעמיק בו מחשבתו


jusqu’à ce que sa pensée soit attachée à D.ieu d’un lien ferme et puissant, comme elle est attachée à une chose matérielle que l’on voit des yeux de chair et sur laquelle on applique profondément sa pensée.


On se trouve alors profondément attaché à cet objet, au point de n’en pouvoir plus détourner son esprit. Ainsi la pensée s’attachera-t-elle au Divin, par la méditation profonde sur la grandeur divine.


כנודע שדעת הוא לשון התקשרות, כמו: והאדם ידע וגו׳


Comme on le sait, Daat dénote l’union, comme dans le verset : « Et Adam connut, etc. ».


Daat, « la connaissance », exprime au-delà de l’idée d’un savoir celle de faire corps avec l’objet connu. Telle est précisément la signification du verset « Et Adam connut Eve ». Rapportée à D.ieu, cette idée signifie que le seul « savoir » de la grandeur de D.ieu ne suffit pas ; un lien profond doit également être établi par l’exercice de la faculté de Daat.


וכח זה ומדה זו, לקשר דעתו בה׳, יש בכל נפש מבית ישראל ביניקתה מנשמת משה רבנו, עליו השלום


Cette force et cette qualité d’attacher sa [faculté de] Daat à D.ieu, c’est-à-dire ne pas simplement comprendre, mais également ressentir le Divin, existe en chaque âme d’Israël, par le fait qu’elle s’alimente de l’âme de Moïse notre maître.


רק מאחר שנתלבשה הנפש בגוף, צריכה ליגיעה רבה ועצומה, כפולה ומכופלת


Seulement, dès lors que l’âme s’est revêtue du corps, il lui faut [fournir] un effort intense et puissant, double et redoublé.


Bien qu’elle tire cette force de l’âme de Moïse, un immense effort reste néanmoins nécessaire pour que le Divin s’impose à l’esprit et qu’un tel lien soit établi. En fait, si cette faculté n’était pas acquise, aucun effort, aussi immense fût-il, n’eût permis à un être créé de comprendre et de ressentir le Divin. L’acquis n’enlève donc rien à l’effort requis, et celui-ci est défini comme double.


האחת היא יגיעת בשר, לבטש את הגוף ולהכניעו, שלא יחשיך על אור הנפש


L’un est un « effort de la chair » pour supprimer les entraves dues au corps, briser le corps c’est-à-dire affaiblir sa grossièreté et le soumettre, [de sorte] qu’il n’obscurcisse pas la lumière de l’âme sa compréhension et perception du Divin,


כמו שנאמר לעיל בשם הזהר, דגופא דלא סליק ביה נהורא דנשמתא, מבטשין ליה,


comme rapporté plus haut au nom du Zohar : un corps où la lumière de l’âme ne pénètre pas, on le met en pièces,


והיינו על ידי הרהורי תשובה מעומק הלב, כמו שכתוב שם


cela, au moyen de pensées de repentir du fond du cœur, comme expliqué là-bas,


Affaiblir la grossièreté du corps de manière à ce qu’il ne fasse plus écran devant le rayonnement de l’âme est une première forme d’effort, que l’on nomme ici « effort de la chair ».


והשנית היא יגיעת הנפש, שלא תכבד עליה העבודה ליגע מחשבתה, להעמיק ולהתבונן בגדולת ה׳ שעה גדולה רצופה


Le second est un effort de l’âme, de sorte que le travail [qui consiste dans] l’exercice de la pensée pour méditer avec profondeur sur la grandeur de D.ieu pendant un long moment ininterrompu, ne pèse pas sur [l’âme],


La réflexion prolongée sur le Divin représente en soi un travail difficile.


כי שעור שעה זו אינו שוה בכל נפש


car cette mesure de temps nécessaire pour contempler la grandeur divine en vue d’éveiller l’amour ou la crainte de D.ieu dans le cœur, n’est pas identique pour chaque âme (ce temps varie selon les personnes).


יש נפש זכה בטבעה, שמיד שמתבוננת בגדולת ה׳, יגיע אליה היראה ופחד ה׳


Il y a des âmes de nature raffinée qui, dès qu’elles réfléchissent à la grandeur de D.ieu, sont immédiatement saisies de crainte et de peur de D.ieu,


כמו שכתוב בשלחן ערוך אורח חיים סימן א׳: כשיתבונן האדם שהמלך הגדול, מלך מלכי המלכים הקדוש ברוך הוא, אשר מלא כל הארץ כבודו, עומד עליו ורואה במעשיו, מיד יגיע אליו היראה וכו׳


ainsi qu’il est écrit dans le Choul’han Aroukh, Ora’h ‘Haïm, Chapitre un : « Quand l’homme réfléchira au fait que le grand Roi – le suprême Roi des rois, le Saint Béni soit-Il, dont la gloire emplit le monde tout entier, se tient au-dessus de lui et voit ses actions, immédiatement il sera saisi de crainte, etc. »


Comme conclut le Choul’han Aroukh, « il sera soumis et aura honte devant D.ieu ». Il est ici fait référence à une âme raffinée, qui, pour cette raison, est « immédiatement saisie de crainte », sans recourir à une réflexion prolongée.


ויש נפש שפלה בטבעה ותולדתה, ממקור חוצבה ממדרגות תחתונות די׳ ספירות דעשיה


Et il y a d’humbles âmes de part leur nature et leur origine, qui procèdent des niveaux inférieurs des dix Séfirot d’Assia,


A l’intérieur du monde d’Assia lui-même, le dernier des mondes, l’âme en question appartient aux degrés les plus bas des dix Séfirot. Il s’agit d’une « humble âme » de part sa nature, qui éprouve des difficultés à percevoir le Divin.


ולא תוכל למצוא במחשבתה האלקות, כי אם בקושי ובחזקה


et qui sont incapables de trouver le Divin avec réflexion, si ce n’est avec difficulté et détermination,


C’est seulement au terme d’un effort difficile et de l’exercice de la pensée durant un long moment qu’elle parviendra à un certain degré d’illumination divine, de perception du Divin. Alors cette contemplation suscitera en elle la crainte de D.ieu.


ובפרט אם הוטמאה בחטאת נעורים, שהעוונות מבדילים כו׳ [כמו שכתוב בספר חסידים סימן ל״ה]


et en particulier cette perception du Divin dans la pensée sera-t-elle difficile si [cette âme] « d’extraction » modeste, a de surcroît été souillée par la « faute de jeunesse », car les fautes font séparation… (comme il est écrit dans le Séfer ‘Hassidim, Chapitre trente-cinq).


Les fautes font écran entre le juif et D.ieu, et l’éveil de la crainte de D.ieu devient dès lors plus difficile.


ומכל מקום, בקושי ובחזקה, שתתחזק מאד מחשבתו באומץ ויגיעה רבה ועומק גדול, להעמיק בגדולת ה׳ שעה גדולה


Et néanmoins, avec difficulté et détermination, [c’est-à-dire lorsque] sa pensée se raffermira avec fermeté, un important effort et une grande concentration, en s’immergeant dans la réflexion sur la grandeur de D.ieu pour un long moment,


Le Rabbi précédent a dit une fois qu’un « long moment » signifie aussi : un moment aujourd’hui, un moment le lendemain et ainsi de suite ; avec une telle concentration répétée jour après jour,


בודאי תגיע אליו על כל פנים היראה תתאה הנ״ל


certainement parviendra-t-il au moins au « degré inférieur de crainte » précédemment évoqué. Une crainte de D.ieu qui l’empêchera de faire ce qui va à l’encontre de la Volonté de D.ieu.


A propos de l’assurance donnée ici par le Tanya que l’âme, en tout état de cause (aussi modeste soit-elle et en dépit de la séparation constituée par ses fautes), atteindra la « crainte inférieure » au moyen d’une intense concentration sur la grandeur de D.ieu, le Rabbi remarque : « On peut donc en inférer qu’elle parviendra aussi certainement, et avant même (d’atteindre ce degré de crainte), à ôter la séparation créée par les fautes, c’est-à-dire à la téchouva, le repentir sur ses fautes ».


וכמו שאמרו רז״ל: יגעתי ומצאתי, תאמין


Et, comme nos maîtres, de mémoire bénie, l’ont dit : « Celui qui dit : « J’ai peiné et j’ai trouvé », crois-le. »


L’assurance est donnée qu’un effort ne demeure jamais vain. Le Rabbi souligne ici le verbe « trouver » : l’objet trouvé est celui auquel on ne s’attend pas, qui est sans commune mesure avec l’effort investi. Ainsi l’effort n’est pas seulement gage de résultat, un résultat qui correspond à la recherche engagée, mais bien plus, il s’agit de « trouver » quelque chose, c’est-à-dire de parvenir à un résultat dépassant ce qui était recherché.


וכדכתיב: אם תבקשנה ככסף, וכמטמונים תחפשנה, אז תבין יראת ה׳


Et ainsi qu’il est dit spécifiquement à propos de l’effort pour atteindre la crainte de D.ieu : « Si tu la quêtes (la crainte) comme de l’argent, et si tu la recherches comme des trésors cachés, alors tu comprendras la crainte de D.ieu. »


פירוש: כדרך שמחפש אדם מטמון ואוצר הטמון בתחתיות הארץ, שחופר אחריו ביגיעה עצומה


C’est-à-dire : A la manière d’un homme qui recherche un trésor caché dans les profondeurs de la terre : il creuse [et fouille] avec un effort intense,


Dès lors que l’emplacement du trésor est attesté, il œuvre sans cesse et inlassablement jusqu’à sa mise à jour.


כך צריך לחפור ביגיעה עצומה לגלות אוצר של יראת שמים הצפון ומוסתר בבינת הלב של כל אדם מישראל


ainsi faut-il creuser avec un immense effort pour dévoiler le trésor de la crainte du Ciel qui est enfoui et dissimulé dans la compréhension du cœur de chaque juif,


L’existence de ce trésor étant clairement établie, il ne concevra aucune fatigue de cette recherche sans relâche à l’intérieur de la « compréhension de son cœur ».


שהיא בחינה ומדרגה שלמעלה מהזמן


laquelle « compréhension du cœur » est une qualité et un degré qui est au-delà de la dimension du temps,


Elle ne saurait donc être subordonnée aux aléas du temps et faire défaut, se trouver inaccessible à un instant donné.


והיא היראה הטבעית המסותרת הנ״ל


il s’agit là de la crainte naturelle dissimulée en chacun, évoquée plus haut.


A ce stade, une question se pose : si cette crainte de D.ieu existe naturellement et continuellement dans le cœur du juif, pourquoi un long processus de réflexion sur la grandeur de D.ieu est-il nécessaire pour y parvenir ? Rabbi Chnéour Zalman explique que cette crainte se trouve dissimulée dans les recoins du cœur et qu’elle n’a donc pas d’effet direct sur l’action pour s’opposer à la faute : un travail reste nécessaire pour qu’elle se révèle et s’exprime en acte.


רק שכדי שתבא לידי מעשה בבחינת יראת חטא, להיות סור מרע במעשה דבור ומחשבה,


Seulement, pour que [cette crainte] se traduise en acte, sous forme de « crainte de la faute », c’est-à-dire la crainte effective de commettre une faute, de sorte que [l’homme] s’éloigne du mal en action, en parole et en pensée,


צריך לגלותה ממצפוני בינת הלב שלמעלה מהזמן, להביאה לבחינת מחשבה ממש שבמוח


il est nécessaire de la révéler depuis les recoins de la « compréhension du cœur » qui transcende le temps, pour l’amener dans le domaine de la pensée qui est dans le cerveau,


להעמיק בה מחשבתו משך זמן מה ממש, עד שתצא פעולתה מהכח אל הפועל ממש


en y immergeant sa pensée pendant un certain temps vraiment, jusqu’à ce que l’effet [de cette crainte] émerge du potentiel à l’état actuel vraiment,


L’impact de cette crainte, qui existait jusque alors seulement en puissance, dissimulée dans le tréfonds de l’âme, atteindra alors effectivement l’âme et le corps.


להיות סור מרע ועשה טוב במחשבה דבור ומעשה, מפני ה׳ הצופה ומביט ומאזין ומקשיב ומבין אל כל מעשהו, ובוחן כליותיו ולבו


c’est-à-dire que [l’homme] « se détourne du mal » et « fasse le bien » en pensée, parole et action du fait de D.ieu Qui observe et voit, Qui écoute et entend et comprend toutes ses actions, et sonde « ses reins et son cœur ».


Du fait du regard de D.ieu qui le pénètre et sonde ses desseins, il s’abstiendra de toute faute et recherchera l’accomplissement des mitsvot.


וכמאמר רז״ל: הסתכל בשלשה דברים כו׳, עין רואה ואוזן שומעת כו׳


Et comme le disent les Sages : « Regarde (c’est-à-dire considère) trois choses… et tu n’en viendras pas à la faute : un œil qui voit, une oreille qui entend… »


Ce qui veut dire que la réflexion profonde sur le fait que D.ieu voit et entend chacune de ses actions le tiendra à l’écart de la faute.


וגם כי אין לו דמות הגוף


Et bien que [D.ieu] n’ait pas d’apparence corporelle,


Comment donc attribuer à D.ieu des caractères propres aux organes corporels de la vue et de l’ouïe ?


הרי אדרבה, הכל גלוי וידוע לפניו ביתר שאת לאין קץ מראיית העין ושמיעת האזן, על דרך משל


bien au contraire, c’est pour cela que tout est révélé et connu devant Lui, infiniment plus que, par exemple, par l’intermédiaire de la faculté de la vue de l’œil et l’ouïe.


Quand on dit que D.ieu n’a pas d’apparence corporelle, cela veut dire qu’Il n’est pas sujet aux limites et aux manques inhérents au corps. Alors que l’acuité de l’œil physique est limitée aux objets matériels, dans certaines conditions de distance et de lumière favorables, que l’audition est pareillement réduite, la « vue » et « l’audition » de D.ieu, si l’on peut s’exprimer ainsi, n’obéissent à aucune de ces restrictions. Car il va de soi que les facultés humaines ne font pas défaut au Créateur : au contraire, elles sont dans la Divinité avec une absolue perfection.


רק הוא על דרך משל, כמו אדם היודע ומרגיש בעצמו כל מה שנעשה ונפעל באחד מכל רמ״ח איבריו, כמו קור או חום


Seulement, pour donner une image (de cette « vue » et « ouïe » d’en Haut, le fait que tout est révélé et connu de D.ieu), c’est comme un homme qui connaît et ressent en lui tout ce qui se passe et qui s’exerce dans l’un de ses 248 membres, tel que le froid ou la chaleur (l’effet du froid ou de la chaleur sur l’un de ses membres, qui est connu et ressenti),


ואפילו חום שבצפרני רגליו, על דרך משל, אם נכוה באור


il ressent même la chaleur dans les ongles de ses pieds, par exemple, s’il se brûle avec le feu ;


Bien que les ongles ne fassent pas partie des membres du corps, au point qu’ils peuvent être coupés sans douleur, il y ressent néanmoins la chaleur liée au feu,


וכן מהותם ועצמותם


et de même, leur être et leur essence


Non seulement l’être humain est conscient de tout ce qui se passe en ses membres, mais il ressent aussi ces membres eux-mêmes.


וכל מה שמתפעל בהם יודע ומרגיש במוחו


et tout ce qui se produit en eux, il connaît et ressent dans son esprit.


Il n’a pas besoin de recourir à l’œil ou à l’oreille pour se rendre compte de la douleur ressentie dans sa main ou son pied qui se brûle : il le sait et le ressent.


וכעין ידיעה זו, על דרך משל, יודע הקב״ה כל הנפעל בכל הנבראים עליונים ותחתונים,


C’est d’une connaissance semblable à celle-ci, allégoriquement parlant, que D.ieu sait tout ce qui se passe dans toutes les créatures des sphères supérieures et inférieures,


להיות כולם מושפעים ממנו יתברך, כמו שכתוב: כי ממך הכל


parce qu’elles reçoivent leur flux de vie de Lui, ainsi qu’il est dit : « Car tout tient de Toi ».


De même que le cerveau, source de vitalité pour les autres membres du corps, sait et ressent ce qui se passe à l’intérieur d’eux, de même, si l’on peut s’exprimer ainsi, D.ieu, qui est la source de la vie et de l’existence de tous les êtres créés, est « conscient » de tout ce qui se produit en eux.


וזה שנאמר: וגם כל היצור לא נכחד ממך


Et c’est là le sens de ce que l’on dit : « …et rien de ce qui a été créé n’est tenu caché de Toi »


וכמו שכתב הרמב״ם [והסכימו לזה חכמי הקבלה, כמו שכתב הרמ״ק בפרדס]


et comme dit Maïmonide (et les sages de la Kabbale l’ont approuvé, selon ce qu’écrit Rabbi Moché Cordovero dans le Pardess),


שבידיעת עצמו, כביכול, יודע כל הנבראים הנמצאים מאמיתת המצאו וכו׳


[à savoir] qu’en se connaissant Lui-même, si l’on peut dire, Il connaît toutes les créatures, dont l’existence procède de la réalité de Son existence, etc.


Dès lors que l’existence des créatures tient de Sa vraie existence, D.ieu connaît, si l’on peut dire, tous les êtres créés par le fait qu’Il se connaît Lui-même. Cependant, cette comparaison entre D.ieu, qui connaît toutes les créatures auxquelles Il donne vie, et l’âme qui ressent ce qui se passe en ses membres, pourrait induire en erreur. De même que l’âme est revêtue du corps et, pour cette raison, est sensible aux impressions du corps (ce qui, en vérité, correspond à la définition de la notion de « vêtement » qui agit sur l’objet qu’il revêt), de même, à D.ieu ne plaise, pourrait-on penser qu’il en va de même de la vitalité divine à l’intérieur des êtres créés. Le texte explique donc que de ce point de vue, l’image n’est pas fidèle à l’idée représentée, car la vitalité divine n’est aucunement affectée par le monde et ne subit aucun changement.


רק שמשל זה אינו אלא לשכך את האזן, אבל באמת אין המשל דומה לנמשל כלל


Toutefois, cette image de l’âme et du corps est uniquement pour « apaiser l’oreille » c’est-à-dire ouvrir des perspectives divines à l’oreille et l’entendement humains en illustrant la possibilité de la connaissance sans recourir aux sens de la vue et de l’ouïe. Mais en vérité, l’image (de l’âme et du corps) ne ressemble pas du tout à l’idée représentée (le rapport entre le Divin et le monde).


כי נפש האדם, אפילו השכלית והאלקית, היא מתפעלת ממאורעי הגוף וצערו


Car l’âme de l’homme, même [l’âme] intellectuelle et [l’âme] divine, est sensible à ce qui arrive au corps et à sa douleur,


מחמת התלבשותה ממש בנפש החיונית המלובשת בגוף ממש


du fait qu’elle est revêtue vraiment de l’âme vitale qui est vêtue du corps véritablement.


L’âme vitale, qui anime le corps, se trouve littéralement vêtue du corps et parfaitement unie à lui. C’est en elle que se trouvent l’âme intellectuelle et l’âme divine.


אבל הקב״ה אינו מתפעל, חס ושלום, ממאורעי העולם ושינוייו, ולא מהעולם עצמו


En revanche, le Saint Béni soit-Il n’est pas, à D.ieu ne plaise, sujet à l’effet des évènements du monde et ses changements, ni [à l’effet] du monde lui-même.


L’existence (l’essence et l’être) du monde n’agit en rien, à D.ieu ne plaise, sur Lui.


שכולם אינן פועלים בו שום שינוי, חס ושלום


Toutes [ces choses] ne produisent aucun changement en Lui, à D.ieu ne plaise.


Ni en Lui, ni en Son unité et Son unicité : de même qu’Il était un et unique avant la Création, de même demeure-t-Il Un et unique après celle-ci.


והנה כדי להשכיל זה היטב בשכלנו, כבר האריכו חכמי האמת בספריהם


Pour bien comprendre cela (le fait que la Création ne produit pas de changement chez le Créateur) avec notre intellect, les kabbalistes ont déjà longuement traité de cette question dans leurs livres.


אך כל ישראל מאמינים בני מאמינים, בלי שום חקירת שכל אנושי, ואומרים: אתה הוא עד שלא נברא העולם וכו׳ כנזכר לעיל פרק כ׳


Toutefois, tous les juifs sont croyants fils de croyants (leur foi est un héritage des patriarches), sans aucune spéculation de l’intellect humain, et ils affirment : « Tu étais avant que le monde fut créé, etc. [et Tu es le même, sans changement aucun, après la Création] », comme dit plus haut, Chapitre vingt.


Ce qui veut dire qu’ils croient d’une foi parfaite en l’unicité divine à laquelle l’existence du monde ne change rien.


והנה כל אדם מישראל, יהיה מי שיהיה, כשיתבונן בזה שעה גדולה בכל יום, איך שהקב״ה מלא ממש את העליונים ואת התחתונים, ואת השמים ואת הארץ ממש מלא כל הארץ כבודו ממש


Or, chaque juif, quel qu’il soit, quels que soit son degré et son état spirituels, quand il méditera sur cela un long moment chaque jour, c’est-à-dire comment D.ieu emplit véritablement les [mondes] supérieurs et inférieurs, les cieux et la terre vraiment, que toute la terre est emplie de Sa gloire véritablement,


וצופה ומביט ובוחן כליותיו ולבו וכל מעשיו ודבוריו, וכל צעדיו יספור


et qu’Il observe, voit et sonde « ses reins et son cœur » (ses pensées profondes et ses émotions) et toutes ses actions et paroles, et qu’Il compte tous ses pas,


אזי תקבע בלבו היראה לכל היום כולו, כשיחזור ויתבונן בזה אפילו בהתבוננות קלה


alors la crainte se fixera en son cœur pour la journée toute entière même lorsqu’il se trouvera occupé à autre chose, indisponible à la méditation, quand il réfléchira de nouveau à cela même sommairement (et non en profondeur) :


בכל עת ובכל שעה יהיה סור מרע ועשה טוב במחשבה דבור ומעשה, שלא למרות חס ושלום עיני כבודו אשר מלא כל הארץ


à tout instant et tout moment, il se « détournera du mal et fera le bien » en pensée, parole et action, de façon à ne pas défier, à D.ieu ne plaise, les yeux de Sa gloire, dont toute la terre est emplie.


La crainte de « défier D.ieu qui observe tout » agira concrètement sur ses pensées, paroles et actions, tant dans le domaine des interdits que des commandements positifs : il se gardera de l’interdit (« détourne-toi du mal) et accomplira les commandements (« fais le bien »).


וכמאמר רבן יוחנן בן זכאי לתלמידיו כנזכר לעיל


Conformément à la sentence de Rabbi Yo’hanane ben Zakaï s’adressant à ses disciples : « Que ce soit la Volonté que la crainte de D.ieu pèse sur vous (de manière à contenir la faute) comme la crainte d’un être de chair et de sang (en présence duquel on se garde de mal agir) », comme dit plus haut au chapitre précédent.


וזה שאומר הכתוב: כי אם ליראה את ה׳ אלקיך, ללכת בכל דרכיו


Et c’est là la signification du verset cité en début de chapitre : « Que demande l’Eternel ton D.ieu de toi si ce n’est de craindre l’Eternel ton D.ieu, de marcher dans toutes Ses voies »


Le Talmud questionne : est-il si facile de craindre D.ieu que le verset dise qu’il est seulement demandé de Le craindre ? La réponse talmudique selon laquelle « à l’égard de Moïse, c’est une chose simple » laisse pourtant d’autant plus perplexe que le verset biblique emploie la seconde personne du singulier : « Que D.ieu te demande », adressant donc son injonction à chacun ! L’explication est la suivante : quelle est la crainte de D.ieu dont il est ici question ? De cette crainte qui, selon les termes qui concluent ce même verset, amène à « marcher dans toutes Ses voies ». Pareille crainte est en effet facilement accessible à chacun. Dans le texte du Tanya :


שהיא יראה המביאה לקיום מצותיו יתברך, בסור מרע ועשה טוב, והיא יראה תתאה הנ״ל


Il s’agit de la crainte qui conduit à l’accomplissement des commandements [de D.ieu], en se détournant du mal et en faisant le bien. C’est la « crainte inférieure » précédemment évoquée.


ולגבי משה, דהיינו, לגבי בחינת הדעת שבכל נפש מישראל האלקית, מילתא זוטרתי היא, כנזכר לעיל


Et on comprend dès lors la réponse du Talmud : par rapport à Moïse, c’est-à-dire par rapport au degré de Daat qui se trouve en chaque âme divine d’Israël (cette qualité de Moïse qui se trouve en chaque juif), il s’agit d’une petite chose, comme dit précédemment.


En effet, l’application de la faculté de Daat à la méditation sur des réflexions qui suscitent la crainte de D.ieu permettra en toute certitude d’atteindre cette crainte qui mène à l’observance des commandements, comme il vient d’être expliqué.


[שהדעת הוא המקשר מצפוני בינת הלב אל בחינת גילוי במחשבה ממש, כידוע ליודעי ח״ן]


(Car Daat est [la faculté] qui attache les recoins de la « compréhension du cœur » au degré de la révélation dans la pensée, comme le savent ceux qui connaissent la Sagesse Esotérique.)


De sorte que la crainte de D.ieu, naturelle en chaque juif et dissimulée dans les « recoins du cœur », le « trésor de crainte du Ciel », selon l’expression employée plus haut, émerge et se révèle pour être ressentie effectivement dans la pensée, agissant alors sur la parole et l’action. Rabbi Chnéour Zalman a dit de la crainte de D.ieu qu’elle doit être semblable à la crainte éprouvée devant un roi, car D.ieu est omniprésent et « observe » toutes les actions de chacun. Mais une question se pose : en présence d’un roi, ce n’est pas seulement le fait d’être vu par le roi, mais aussi le fait de porter son regard sur lui qui inspire un sentiment de crainte. Cet élément de l’analogie semble faire en l’occurrence défaut : D.ieu observe, certes, chaque homme, mais le contraire ne saurait se produire. Le Tanya affine donc maintenant les termes de cette analogie : la vue des cieux, de la Terre et de tous les êtres créés et animés par D.ieu revient à voir la vitalité divine, à « porter son regard sur le Roi ».


ועוד זאת יזכור כי כמו שבמלך בשר ודם, עיקר היראה היא מפנימיותו וחיותו ולא מגופו, שהרי כשישן אין שום יראה ממנו


Il devra se souvenir encore [d’une chose] : tout comme, dans le cas d’un roi de chair et de sang, la crainte se rapporte principalement à son intériorité et sa vitalité et non à son corps – car quand il est endormi, il n’y a aucune crainte de lui ;


Endormi, le corps demeure inchangé mais sa vitalité se trouve alors en état de dissimulation : ainsi la crainte éprouvée devant le roi n’est pas due à son enveloppe corporelle mais à sa personne (« son intériorité et sa vitalité »).


והנה פנימיותו וחיותו אין נראה לעיני בשר, רק בעיני השכל


or, son intériorité et sa vitalité ne sont pas visibles aux yeux de chair, mais seulement aux yeux de l’esprit,


על ידי ראיית עיני בשר בגופו ולבושיו, שיודע שחיותו מלובש בתוכם


par le fait que les yeux de chair voient son corps et ses habits, tout en sachant que sa vitalité en est revêtue.


La vision matérielle du corps du roi et de ses habits laisse voir à l’esprit la dimension profonde du monarque, ce qui suscite la crainte.


ואם כן


Et si c’est ainsi,


ככה ממש יש לו לירא את ה׳ על ידי ראיית עיני בשר בשמים וארץ וכל צבאם, אשר אור אין סוף ברוך הוא מלובש בהם להחיותם


de la même manière vraiment doit-il craindre D.ieu, en voyant avec les yeux de chair les cieux, la terre, et toutes leurs armées, dont est vêtue la lumière du Ein Sof qui les anime (*).


La contemplation du monde et de ses êtres avec les yeux de chair offre pareillement aux « yeux de l’esprit » la perception de la vitalité divine qui les anime et qui en est revêtue ; elle inspire la crainte à l’instar de la vision d’un roi de chair et de sang.


הגהה


NOTE


Cette note explique que la contemplation des habits du Roi que sont les cieux, la terre… montre non seulement la vitalité divine qui les anime, mais aussi l’effacement de l’ensemble de la Création devant la Divinité. En effet, la trajectoire vers l’Ouest des étoiles et des planètes exprime leur soumission devant la Présence divine, laquelle « réside » à l’Ouest.


וגם נראה בראיית העין שהם בטלים לאורו יתברך


Et il est également visible à la vue de l’œil que [les êtres créés] sont soumis devant Sa lumière,


Comment cette soumission apparaît-elle ?


בהשתחוואתם כל יום כלפי מערב בשקיעתם,


dans leur prosternation chaque jour vers l’Ouest à leur coucher.


כמאמר רז״ל על פסוק: וצבא השמים לך משתחוים, שהשכינה במערב


Comme le disent nos Sages, de mémoire bénie, à propos du verset : « et les armées du ciel se prosternent devant Toi », la Chekhina, la Présence divine, demeure à l’Ouest.


ונמצא הילוכם כל היום כלפי מערב הוא דרך השתחוואה וביטול


Il s’ensuit que leur soumission ne s’exprime pas seulement à leur coucher : leur trajectoire toute la journée durant vers l’ouest est une forme de prosternation et de soumission.


Leur trajectoire d’Est en Ouest, exprime une forme de soumission devant la Chekhina qui se trouve à l’Ouest. Car les quatre points cardinaux correspondent, dans leur source spirituelle, aux dix Séfirot ; l’Ouest prend racine dans l’attribut de Malkhout – la Chekhina – qui est la source des êtres créés. Et dès lors que la force de vie, l’âme, de chacun de ces êtres, est effacée devant sa source, cet effacement se traduit dans son « corps » par le mouvement vers l’Ouest où se trouve la Chekhina. Ainsi, l’œil de chair voit effectivement l’effacement des êtres créés devant la vitalité divine.


והנה גם מי שלא ראה את המלך מעולם ואינו מכירו כלל,


Or, même celui qui n’a jamais vu le roi et qui ne le connaît absolument pas,


אף על פי כן, כשנכנס לחצר המלך


néanmoins, lorsqu’il entre dans la cour du roi (la cour n’étant pas un lieu où le roi se révèle dans toute sa majesté comme dans le palais, assis sur son trône ; dans notre analogie, cela représente ce monde matériel, où des preuves sont nécessaires pour parvenir à l’effacement devant le Roi),


ורואה שרים רבים ונכבדים משתחוים לאיש אחד


et voit beaucoup de nombreux princes respectables se prosterner devant un homme (celui qui entre ne voit pas extérieurement la différence entre cet « homme » et les autres, mais dès lors qu’il voit les princes se prosterner devant lui),


תפול עליו אימה ופחד


il sera saisi de crainte et de peur.


De même, le fait de voir ces êtres imposants que sont les astres du ciel se tenir soumis devant D.ieu peut également susciter la crainte de D.ieu.


סוף הגהה


FIN DE LA NOTE


Ainsi la vue des êtres créés révèle-t-elle la présence de la vitalité divine, ce qui suscite la crainte comme l’illustre l’analogie du roi paré de ses vêtements. Cependant, une distinction évidente fait maintenant question : la vue du corps du roi ne laisse planer aucun doute. C’est bien le monarque qui se présente et l’évidence de cette présence ouvre à la perception par l’esprit de la personne royale et à sa crainte. Or, la vitalité divine enfermée à l’intérieur du monde et des êtres créés est à ce point dissimulée qu’on peut ne pas en prendre conscience. Mais pour Rabbi Chnéour Zalman, il faut s’habituer à voir dans le monde les vêtements extérieurs de la vitalité divine qui les anime: à qui cultive en permanence cette façon de regarder le monde, le Divin est effectivement perceptible ici-bas.


ואף שהוא על ידי התלבשות בלבושים רבים


Et bien que ce soit au moyen de nombreux vêtements, la vitalité divine qui anime les êtres créés se trouve vêtue de nombreux vêtements et dissimulée, de sorte qu’on ne perçoit pas que ceux-ci ne sont que les vêtements de la force vitale divine,


הרי אין הבדל והפרש כלל ביראת מלך בשר ודם, בין שהוא ערום, ובין שהוא לבוש לבוש אחד, ובין שהוא לבוש בלבושים רבים


il n’y a pourtant aucune différence et distinction dans la crainte d’un roi de chair et de sang, qu’il soit nu, qu’il soit vêtu d’un vêtement ou qu’il soit vêtu de nombreux vêtements.


Le fait de savoir que le roi s’en trouve vêtu est ce qui suscite la crainte. Il en est de même dans l’objet de l’analogie : s’habituer, à la vue des êtres créés, au fait que ceux-ci ne sont que les vêtements de la vitalité divine, suscitera la crainte.


אלא העיקר הוא ההרגל, להרגיל דעתו ומחשבתו תמיד, להיות קבוע בלבו ומוחו תמיד, אשר כל מה שרואה בעיניו, השמים והארץ ומלואה, הכל הם לבושים החיצונים של המלך הקב״ה


Mais l’essentiel est l’habitude, habituer son esprit et sa pensée continuellement, de sorte qu’il soit toujours établi en son cœur et son esprit que tout ce qu’il voit de ses yeux, le ciel, la terre et tout ce qu’elle contient, tous sont les vêtements extérieurs du roi, le Saint béni soit-Il.


ועל ידי זה יזכור תמיד על פנימיותם וחיותם


Et de cette manière, il se souviendra toujours de leur intériorité et leur vitalité qui est divine. Cela engendrera en lui un sentiment de crainte à l’égard de D.ieu.


Rabbi Chnéour Zalman anticipe ici une éventuelle question : comment dire que l’effacement du monde devant D.ieu peut être perçu intellectuellement (« avec les yeux de l’intellect ») alors qu’il a été expliqué au Chapitre trente-trois que cela relève de la foi ? Dans notre chapitre aussi, le Tanya a dit que les juifs sont « croyants fils de croyants ». Pourtant, intellect et foi ne sont pas simplement deux notions distinctes et bien délimitées, mais deux notions qui s’opposent : là où la compréhension est possible, la foi est-elle nécessaire ? Mais cette méditation, va-t-il être montré, appartient également au domaine de la foi, car le mot « émouna », la foi, contient aussi l’idée d’habitude. Ce qu’illustre l’artisan (oumane), doué pour un art, qui habitue ses mains à l’exercice de cet art, de manière à actualiser une disposition naturelle de son âme. De même, la foi est inhérente à l’âme juive ; mais pour que cette foi s’actualise de telle sorte que les actions soient en conformité avec elle, il faut habituer son esprit à cette idée : tout ce que l’on voit – le ciel, la terre et l’ensemble de la création – ne forme que les vêtements extérieurs de D.ieu. Chez qui se le remémore constamment, les membres du corps se conforment aux exigences de la foi qui s’exprime alors concrètement, en actes.


וזה נכלל גם כן בלשון אמונה, שהוא לשון רגילות, שמרגיל האדם את עצמו, כמו אומן שמאמן ידיו וכו׳


Et cela est également inclus dans le mot émouna (« la foi »), qui est un terme qui exprime l’habitude qu’un homme se donne, comme un artisan (oumane) qui exerce ses mains…


Rabbi Chnéour Zalman souligne ici qu’il lui faut exercer ses mains. Car l’artisan possède déjà une disposition naturelle pour son art et doit simplement entraîner ses mains pour que cette aptitude parvienne à s’exprimer. De même, la foi présente en l’âme doit être actualisée. L’image du roi est donc bien conforme à l’idée représentée sous ses deux aspects : le Roi, D.ieu, observe l’individu, et ce dernier voit également le Roi à travers les nombreux vêtements (le monde et les êtres créés) dont Il est vêtu. Le Tanya ajoute à présent une autre idée : « et aussi » ; en effet, ce qui a été dit jusqu’à présent concerne la crainte de D.ieu suscitée par la méditation intellectuelle. Mais la crainte est seulement à la mesure de la méditation ; elle est également mesurée par l’étendue de la domination exercée par l’intellect sur l’individu et sa conduite. De surcroît, la méditation intellectuelle n’est pas un état dans lequel chacun peut demeurer en permanence (on a évoqué plus haut « celui qui ne ressent même en son esprit et sa pensée aucune crainte ni honte ») ; or, la crainte de D.ieu est pourtant requise à tout instant. Rabbi Chnéour Zalman aborde en conséquence une autre disposition d’esprit qui porte le nom de « l’acceptation du joug divin ». Cette acceptation peut – et doit – être durable pour autant qu’elle ne fait pas appel à la méditation et relève de la seule foi.


וגם להיות לזכרון תמיד לשון חז״ל: קבלת עול מלכות שמים, שהוא כענין: שום תשים עליך מלך כמו שכתוב במקום אחר וכו׳


Et aussi on aura continuellement en mémoire (continuellement, car cette considération n’est pas liée à la méditation et se fonde sur la foi pure) l’expression de nos Sages, de mémoire bénie : « l’acceptation du joug de la Royauté du Ciel », qui correspond au sens de : « Tu placeras sur toi un roi », comme il est expliqué ailleurs.


Rabbi Chnéour Zalman a expliqué précédemment, au début du Chapitre quarante et un, que « même si aucune crainte et peur ne se manifeste ouvertement en son cœur » par la méditation, néanmoins il « placera » D.ieu comme roi au-dessus de lui, c’est-à-dire qu’il acceptera sur lui le joug de la Royauté divine. Par nature l’âme juive, ne désire pas se rebeller contre le Roi des rois, aussi cette acceptation est-elle vraie pour chacun. Dès lors, elle est également constante.


כי הקב״ה מניח את העליונים והתחתונים ומייחד מלכותו עלינו וכו׳, ואנחנו מקבלים וכו׳


Car D.ieu, Béni soit-Il, laisse de côté les créatures des mondes supérieurs et inférieurs et dispense Sa Royauté spécifiquement sur nous, etc., et nous acceptons, etc. le joug divin.


וזהו ענין ההשתחוואות שבתפלת שמונה עשרה, אחר קבלת עול מלכות שמים בדבור בקריאת שמע


Tel est l’objet des génuflexions dans la prière des Dix-huit bénédictions, après l’acceptation du joug de la Royauté divine verbalement dans la lecture du Chéma (où l’on dit : « l’Eternel est notre D.ieu, l’Eternel est Un »),


לחזור ולקבל בפועל ממש במעשה וכו׳, כמו שכתוב במקום אחר


pour ainsi accepter de nouveau [le joug divin] en acte (par la génuflexion, action physique qui marque cette soumission devant D.ieu), comme expliqué ailleurs.

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