Likoutei Amarim Chapitre 41 _______________
Sa page de garde l’indique déjà, le Tanya se fonde sur le verset : « Car la chose est très proche de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, pour la faire ». Ce qui signifie qu’il est aisé d’accomplir la Thora et les mitsvot avec cœur, c’est-à-dire avec des sentiments d’amour et de crainte de D.ieu. Ainsi, jusqu’au Chapitre vingt-cinq, Rabbi Chnéour Zalman a montré comment les sentiments d’amour et de crainte de D.ieu sont accessibles à chacun ; il a également expliqué que la crainte est la source des commandements négatifs et l’amour la source des commandements positifs : l’amour motive l’accomplissement des commandements positifs par lesquels l’attachement à D.ieu peut être vécu et la crainte de défier la Parole divine motive l’observance des interdits. Dans les chapitres précédents, Rabbi Chnéour Zalman a expliqué que l’amour et la crainte de D.ieu sont les « ailes » qui portent la Thora étudiée et les mitsvot accomplies dans les Séfirot supérieures, et qu’en l’absence de l’intention de lichma porteuse de tels sentiments, le service divin accompli demeure comme un corps sans âme, sans élévation. Ce chapitre développe une idée nouvelle : la crainte est le fondement du service de D.ieu, sa racine et son commencement, en fait le préalable nécessaire à l’ensemble de ce service qui comprend aussi les commandements positifs. Bien que l’accomplissement de ces derniers soit, comme il a été dit, motivé par l’amour de D.ieu, une certaine mesure de crainte au moins, même à cet égard, reste requise. Car telle est la définition du « service de D.ieu », un service qui évoque le travail empreint de crainte accompli par un serviteur pour son maître. La crainte est donc effectivement le commencement et le pilier du service de D.ieu.
פרק מ״א
ברם צריך להיות לזכרון תמיד ראשית העבודה ועיקרה ושרשה
Cependant, il faut toujours se souvenir [de ce qu’est] le début du service [de D.ieu], son principe et sa racine.
והוא: כי אף שהיראה היא שרש לסור מרע, והאהבה לועשה טוב
C’est-à-dire que, bien que la crainte [de D.ieu] soit la source de « Détourne-toi du mal » et l’amour [la source] de « Fais le bien »,
Autrement dit, la crainte de D.ieu est la source du refus de l’acte interdit (« Ecarte-toi du mal »), et l’amour la source de l’accomplissement des bonnes actions ou mitsvot (« Fais le bien »).
אף על פי כן לא די לעורר האהבה לבדה לועשה טוב
néanmoins, il ne suffit pas d’éveiller l’amour seulement pour « faire le bien » ;
Même pour l’accomplissement des commandements positifs (« Fais le bien »), il n’est pas suffisant d’éveiller le seul sentiment d’amour de D.ieu, quand la crainte demeure dissimulée dans les recoins du cœur.
ולפחות צריך לעורר תחלה היראה הטבעית המסותרת בלב כל ישראל, שלא למרוד במלך מלכי המלכים, הקב״ה, כנזכר לעיל
il faut au moins tout d’abord (avant cet accomplissement) éveiller la crainte naturelle dissimulée dans le cœur de chaque juif, [crainte qui consiste à] ne pas se rebeller contre le Roi des rois, le Saint Béni soit-Il, comme dit plus haut (à savoir, que cette forme de crainte de D.ieu est innée et demeure enfouie dans le cœur de chacun),
שתהא בהתגלות לבו, או מוחו על כל פנים
de sorte qu’elle soit manifeste dans son cœur ou [dans] son esprit en tout état de cause.
Le sentiment de crainte de D.ieu idéalement recherché est celui qui naît de la profonde méditation sur la grandeur divine. Mais il faut au moins, si l’on ne parvient pas à le faire naître ainsi, éveiller la crainte de D.ieu innée, latente dans le cœur de chacun. Or, ce sentiment inné de crainte peut (a) affleurer comme une émotion effectivement ressentie dans le cœur ou (b) pour le moins, être appréhendé dans la pensée.
דהיינו להתבונן במחשבתו על כל פנים גדולת אין סוף ברוך הוא ומלכותו
Cela signifie réfléchir dans sa pensée à tout le moins, sur la grandeur du Ein Sof et Sa royauté,
L’éveil d’un sentiment de crainte révélé dans le cœur implique la méditation avec la profondeur caractéristique de Daat ; à défaut, il faut au moins réfléchir (même si cette réflexion est dépourvue de la profondeur de Daat) sur la grandeur et la royauté de D.ieu,
אשר היא מלכות כל עולמים עליונים ותחתונים
qui est la royauté de tous les mondes, supérieurs et inférieurs, il existe une corrélation évidente entre la crainte qu’inspire le roi et l’étendue de son royaume ;
ואיהו ממלא כל עלמין
Il emplit tous les mondes, Il anime tous les mondes d’une vitalité immanente ; cette vitalité appartient au domaine de l’expérience, du ressenti des êtres créés.
וסובב כל עלמין
et enveloppe tous les mondes, c’est-à-dire qu’Il les anime aussi d’une manière qui échappe à l’expérience sensible et à la compréhension des êtres créés,
וכמו שכתוב: הלא את השמים ואת הארץ אני מלא
ainsi qu’il est dit : « N’est-ce pas que J’emplis le ciel et la terre [dit D.ieu] ».
ומניח עליונים ותחתונים
Et Il laisse de côté [mondes et êtres] supérieurs et inférieurs,
La royauté divine ne se rapporte pas directement à eux, en sorte qu’Il soit désigné comme leur D.ieu ou leur Roi.
ומייחד מלכותו על עמו ישראל בכלל, ועליו בפרט, כי חייב אדם לומר: בשבילי נברא העולם
et Il exerce spécifiquement Sa Royauté sur son peuple Israël en général (d’où l’appellation « Roi d’Israël ») et sur lui (cet individu) en particulier, car un homme se doit de dire : « C’est pour moi que le monde fut créé ».
La finalité de la Création, qui est l’expression de la souveraineté de D.ieu, se rapporte et s’identifie à lui individuellement, c’est-à-dire que, d’une certaine manière, cette finalité réside dans la royauté que D.ieu exerce sur lui spécifiquement. Cette importance capitale de l’individu pourrait être expliquée par sa place au sein de la Communauté d’Israël, comparée à un seul corps. A l’image d’un corps qui souffre tout entier d’un défaut n’affectant qu’un seul de ses organes, le manque d’expression de la royauté divine chez un seul individu atteint toute la Communauté d’Israël. Cependant, explique le Rabbi, si le Tanya cite ici la Michna selon laquelle l’homme (Adam) fut créé seul afin que l’individu soit à travers lui identifié au monde entier, c’est pour souligner l’importance de chaque personne en tant que telle. Car d’Adam seul dépendait alors en totalité l’affirmation de la Royauté divine dans la Création. D.ieu exerce ainsi Sa royauté spécifiquement sur chaque individu pris en lui-même et non pas seulement sur le membre singulier d’une collectivité. Et de même que les actions d’Adam ont un effet (positif ou négatif comme pour la faute de l’Arbre de la Connaissance) sur la totalité de la Création, de même les actions de chaque individu retentissent-elles sur l’ensemble des éléments de la Création.
והוא גם הוא מקבל עליו מלכותו, להיות מלך עליו, ולעבדו ולעשות רצונו בכל מיני עבודת עבד
Et lui aussi de son côté doit penser qu’il accepte sur lui Sa Royauté, de sorte que [D.ieu] soit roi sur lui et qu’il Le serve et accomplisse Sa volonté dans toutes les formes de travaux serviles.
L’acceptation parfaite du joug divin est demandée à chacun. Mais bien plus, Rabbi Chéour Zalman va montrer maintenant qu’il faut encore parvenir à la conscience claire que la Royauté divine s’exerce sur soi littéralement, que D.ieu se tient au-dessus de soi.
והנה ה׳ ניצב עליו, ומלא כל הארץ כבודו, ומביט עליו
« D.ieu [Lui-même] se tient au-dessus de lui » et « le monde entier est plein seulement de Sa gloire » l’Omniprésence de D.ieu signifie qu’Il est présent partout et qu’Il voit tout ; mais du reste, Il l’observe lui en particulier, le pénètre de Son regard,
ובוחן כליות ולב אם עובדו כראוי
et sonde ses reins et son cœur c’est à dire ses pensées intérieures et ses sentiments [pour voir] s’il le sert comme il se doit.
ועל כן צריך לעבוד לפניו באימה וביראה כעומד לפני המלך
Aussi doit-il [Le] servir en Sa présence avec amour et crainte, non pas simplement à la manière d’un sujet qui se trouve à l’intérieur du royaume, mais comme quelqu’un qui se tient devant le roi.
ויעמיק במחשבה זו, ויאריך בה כפי יכולת השגת מוחו ומחשבתו, וכפי הפנאי שלו
Il réfléchira profondément à cette pensée, et s’y attardera selon la capacité d’entendement de son cerveau et de sa pensée, et selon le temps dont il dispose pour s’appliquer à cette réflexion, qui doit être entreprise
לפני עסק התורה או המצוה, כמו לפני לבישת טלית ותפילין
avant d’étudier la Thora ou [d’accomplir] une mitsva, comme avant de revêtir le talit ou les téfiline.
Autrement dit, cette réflexion doit introduire le service de D.ieu par l’étude de la Thora ou la pratique des mitsvot, pour ainsi appeler la crainte de D.ieu que ce service requiert. Rabbi Chnéour Zalman aborde maintenant une autre réflexion propre au contenu et à l’effet de la Thora et des mitsvot sur l’âme.
וגם יתבונן איך שאור אין סוף ברוך הוא, הסובב כל עלמין וממלא כל עלמין, הוא רצון העליון
Il réfléchira également à comment la lumière du Ein Sof béni soit-Il, qui « entoure tous les mondes » et « emplit tous les mondes » [et] qui est la Volonté suprême,
Comme expliqué dans les chapitres précédents, la Volonté divine, source de vie de tous les mondes, les anime de manière immanente et transcendante ; cette Volonté
הוא מלובש באותיות וחכמת התורה
est revêtue des lettres et de la sagesse de la Thora,
Le Chapitre quatre a expliqué que la Volonté divine s’est revêtue des lettres inscrites à l’encre sur du parchemin et de la sagesse de la Thora. Cette sagesse de la Thora qui conduit à prononcer l’autorisation ou la proscription de quelque chose est, en effet, le vecteur de la Volonté divine qu’elle exprime : c’est Sa Volonté que telle chose soit déclarée propre ou impropre. Ainsi, avant de s’engager dans l’étude de la Thora, il réfléchira au fait que la sagesse et les lettres de la Thora qu’il entend étudier et prononcer sont porteuses de la Volonté divine.
או בציצית ותפילין אלו
ou avant de s’habiller du talit et des téfiline, il méditera sur le fait que la Volonté divine est revêtue de ces tsitsit et téfiline qu’il revêt à présent, car Sa Volonté consiste effectivement en ce qu’un juif porte les tsitsit et téfiline,
ובקריאתו או בלבישתו
et par sa lecture de la Thora ou son étude ou par son port des tsitsit et des téfiline,
הוא ממשיך אורו יתברך עליו, דהיינו על חלק אלוה ממעל שבתוך גופו
il attire la lumière [de D.ieu] sur lui, c’est-à-dire sur la parcelle divine d’en Haut (l’âme divine) qui se trouve à l’intérieur de son corps,
ליכלל וליבטל באורו יתברך
de sorte qu’elle soit absorbée et annulée à l’intérieur de Sa lumière, béni soit-Il.
Tel sera l’effet de la Thora (qu’il étudie) ou des tsitsit et téfiline (qu’il porte) sur son âme divine.
ודרך פרט בתפילין, ליבטל וליכלל בחינת חכמתו ובינתו שבנפשו האלקית בבחינת חכמתו ובינתו של אין סוף ברוך הוא, המלובשות דרך פרט בפרשת קדש, והיה כי יביאך
Et plus particulièrement, par les téfiline, il aura pour intention que les niveaux de sagesse (‘Hokhma) et de compréhension (Bina) dans son âme divine soient annulés et absorbés dans les niveaux de sagesse (‘Hokhma) et de compréhension (Bina) du Ein Sof béni soit-Il, lesquels sont revêtus particulièrement dans les sections Kadech et Véaya ki yeviakha.
Les attributs de ‘Hokhma et Bina du Divin sont revêtus respectivement des sections de Kadech et Véaya ki yeviakha (les deux premiers des quatre passages de la Thora qui se trouvent à l’intérieur des téfiline). Les facultés de ‘Hokhma et Bina de celui qui porte les téfiline sont ainsi absorbées et effacées dans les attributs divins correspondants. Comment s’exprime cet effacement, sur le plan concret ?
דהיינו שלא להשתמש בחכמתו ובינתו שבנפשו בלתי לה׳ לבדו
Cela veut dire ne pas user de sa sagesse et de sa compréhension qui sont en son âme autrement que pour D.ieu seulement. Autrement dit, ses facultés seront mises au service de la Thora et de ses commandements exclusivement.
וכן ליבטל וליכלל בחינת הדעת שבנפשו, הכולל חסד וגבורה שהן יראה ואהבה שבלבו
Et de même, il aura l’intention que le niveau de Daat (la « connaissance », troisième partie de l’intellect) en son âme, lequel comprend ‘Hessed et Guevoura, c’est à dire la crainte et l’amour en son cœur, soit annulé et absorbé
Comme expliqué au Chapitre trois, Daat signifie la connaissance, l’attachement à l’idée comprise, la méditation profonde qui, appliquée à la grandeur de D.ieu, suscite les sentiments de crainte et d’amour à Son égard. Ainsi aura-t-il l’intention que le niveau de Daat de son âme, qui renferme les sentiments d’amour et de crainte, se fonde
בבחינת דעת העליון, הכולל חסד וגבורה, המלובש בפרשת שמע, והיה אם שמוע
dans le niveau de la Connaissance d’en Haut (Daat Elione) qui comprend la bonté et la sévérité, [et] qui est revêtue de la section du Chéma et de Véaya im chamoa.
והיינו כמו שכתוב בשולחן ערוך: לשעבד הלב והמוח כו׳
Cela correspond à ce qui est écrit dans le Choul’han Aroukh, à savoir que l’intention, en mettant les téfiline, doit être d’assujettir le cœur et le cerveau [à D.ieu].
Tel est l’effet particulier de la mitsva des téfiline en détail sur les facultés intellectuelles et émotionnelles de l’âme.
ובעטיפת ציצית יכוין כמו שכתוב בזהר, להמשיך עליו מלכותו יתברך
Et en revêtant les tsitsit, il aura pour intention ce qui est écrit dans le Zohar, [à savoir] d’attirer sur lui la Royauté de [D.ieu] béni soit-Il,
אשר היא מלכות כל עולמים וכו׳ ,לייחדה עלינו על ידי מצוה זו
[c’est-à-dire que la Royauté de D.ieu,] qui est la royauté de tous les mondes, il aura néanmoins pour intention de la diriger spécifiquement sur nous, au moyen de ce commandement des tsitsit, lequel est propice à l’acceptation du joug de la royauté divine,
והוא כענין: שום תשים עליך מלך
ce qui correspond à l’idée [du commandement] : « Tu placeras sur toi un roi », ce qui signifie qu’avant cette nomination il n’a pas de roi, et que c’est lui-même à présent qui désigne un roi au-dessus de lui.
ואזי אף אם בכל זאת לא תפול עליו אימה ופחד בהתגלות לבו
Et alors, même si avec toute cette [méditation], aucune crainte et peur de D.ieu ne tombe en son cœur de manière révélée de sorte que le cœur ressente effectivement la crainte de D.ieu,
מכל מקום מאחר שמקבל עליו מלכות שמים וממשיך עליו יראתו יתברך בהתגלות מחשבתו ורצונו שבמוחו
néanmoins, dès lors qu’il accepte sur lui la Royauté du Ciel et qu’il appelle sur lui la crainte [de D.ieu] dans sa pensée consciente et la volonté de son esprit,
וקבלה זו היא אמיתית בלי שום ספק, שהרי היא טבע נפשות כל ישראל שלא למרוד במלך הקדוש יתברך
et que cette acceptation (du joug divin) est vraie sans aucun doute, car c’est la nature de toutes les âmes d’Israël que de ne pas se rebeller contre le Roi Saint, béni soit-Il,
הרי התורה שלומד או המצוה שעושה מחמת קבלה זו ומחמת המשכת היראה שבמוחו נקראות בשם עבודה שלימה
voilà que la Thora qu’il étudie ou la mitsva qu’il accomplit du fait de cette acceptation du joug divin et du fait de la crainte appelée en son esprit, sont appelées un « service parfait »,
ככל עבודת העבד לאדונו ומלכו
comme tout travail [accompli par] un serviteur pour son maître ou son roi.
Le travail du serviteur de cette métaphore se caractérise par la soumission et la crainte à l’égard du « maître » : seul le service de D.ieu empreint de semblable crainte peut être qualifié de « service parfait ». Tout cela s’applique quand est fait l’effort de susciter la crainte, fût-ce dans sa plus faible expression et en son esprit uniquement, crainte qui accompagne alors l’étude de la Thora et la pratique des mitsvot.
מה שאין כן אם לומד ומקיים המצוה באהבה לבדה כדי לדבקה בו על ידי תורתו ומצותיו, אינה נקראת בשם עבודת עבד
En revanche, s’il étudie [la Thora] et accomplit la mitsva avec amour seulement, afin de s’attacher à Lui au moyen de Sa Thora et de Ses commandements, cela n’est pas qualifié de « service d’un serviteur » ;
והתורה אמרה: ועבדתם את ה׳ אלקיכם וגו׳ ואותו תעבודו וגו׳
[alors que] la Thora a dit : « Vous servirez l’Eternel votre D.ieu… », « et vous Le servirez, etc. », l’emploi du verbe servir spécifie le travail d’un serviteur, marqué par la soumission et la crainte,
וכמו שכתוב בזהר [פרשת בהר]: כהאי תורא דיהבין עליה עול בקדמיתא, בגין לאפקא מיניה טב לעלמא כו׳, הכי נמי איצטריך לבר נש לקבלה עליה עול מלכות שמים בקדמיתא כו׳, ואי האי לא אשתכח גביה לא שריא ביה קדושה כו׳
et comme il est écrit dans le Zohar (Section Behar) : « Comme le bœuf sur lequel on place tout d’abord un joug afin d’en tirer du bien pour le monde, ainsi un homme doit tout d’abord (préalablement au service de D.ieu) accepter le joug de la Royauté du Ciel ; et si cette [acceptation] ne se trouve pas en lui, la sainteté ne réside pas à l’intérieur de lui… »
[וברעיא מהימנא שם דף קי״א עמוד ב׳], שכל אדם צריך להיות בשתי בחינות ומדריגות
(Et dans le Raya Méhemna, ibid. p. 111b,) il est dit que tout homme doit présenter deux aspects et degrés dans le service de D.ieu.
והן בחינת עבד ובחינת בן
Ce sont le degré du serviteur qui sert son maître par crainte et le degré du fils porté par l’amour qu’il a pour son père.
ואף דיש בן שהוא גם כן עבד, הרי אי אפשר לבא למדריגה זו בלי קדימת היראה עילאה, כידוע ליודעים
Et bien qu’il existe le niveau d’un « fils » qui est [par là même] aussi un serviteur, il est cependant impossible d’atteindre ce niveau sans le préliminaire de la « crainte supérieure », comme le savent les « initiés ».
Autrement dit, ce degré spécifique du « fils qui est aussi un serviteur » a également été introduit par la crainte. De tout ce qui vient d’être exposé, il ressort que la crainte est une condition sine qua non du service divin : tout accomplissement, fût-il motivé par l’amour de D.ieu, ne saurait être qualifié par la Thora de « service » de D.ieu si cette crainte en est absente. Si elle ne peut être effectivement ressentie dans le cœur, elle sera au moins éveillée dans la pensée et l’esprit. Mais qu’en est-il alors de celui qui ne parvient pas davantage à l’éveil d’un tel « sentiment » dans sa pensée ? Rabbi Chnéour Zalman va répondre à cette question : dès lors que dans sa pensée il tente d’éveiller la crainte et qu’il agit dans l’intention de servir le Roi, D.ieu, par la Thora et les commandements, on est en présence d’un service accompli.
והנה אף מי שגם במוחו ומחשבתו אינו מרגיש שום יראה ובושה
Or, même celui qui ne ressent aucune crainte, ni honte dans son esprit et sa pensée,
Sa méditation sur le fait que D.ieu exerce Sa royauté individuellement sur lui et qu’Il sonde son cœur, demeure sans écho en sa personne, de sorte qu’il n’éprouve pas de crainte, même dans son esprit.
מפני פחיתות ערך נפשו ממקור חוצבה ממדריגות תחתונים די׳ ספירות דעשיה
du fait du bas niveau de son âme, qui procède des degrés inférieurs des dix Séfirot du monde d’Assia,
Son âme appartient au monde d’Assia et, à l’intérieur même de ce monde, aux degrés inférieurs des dix Séfirot. L’origine modeste de son âme ne lui permet pas d’être réceptif au Divin, et même en son esprit il est impuissant à éprouver un sentiment de crainte.
אף על פי כן מאחר שמתכוין בעבודתו כדי לעבוד את המלך, הרי זו עבודה גמורה
néanmoins, étant donné qu’il a l’intention dans son service (c’est-à-dire en accomplissant la Thora et les commandements) de servir le Roi, c’est là un « service accompli ».
En vertu même de cette intention, son accomplissement de la Thora et des commandements répond pleinement à l’exigence de servir D.ieu.
כי היראה והעבודה נחשבות לשתי מצות במנין תרי״ג, ואינן מעכבות זו את זו
Car la crainte et le service [de D.ieu] sont comptés comme deux commandements distincts dans le nombre des 613 et l’un n’exclut pas l’autre.
Ainsi, le défaut d’accomplissement de ce commandement qu’est la crainte de D.ieu – la crainte devant être ressentie dans le cœur ou à tout le moins dans l’esprit – n’empêche pas l’accomplissement du service de D.ieu, dès lors que la Thora est étudiée et les commandements pratiqués avec l’intention de servir son Roi, D.ieu. Rabbi Chnéour Zalman va maintenant pousser plus loin son raisonnement : même si la crainte n’est pas ressentie dans l’esprit, le commandement de craindre D.ieu est néanmoins observé par l’application de la pensée à des idées inspirant la crainte.
ועוד, שבאמת מקיים גם מצות יראה במה שממשיך היראה במחשבתו
Et de plus, c’est qu’en vérité il accomplit le commandement de craindre [D.ieu] aussi et non uniquement le commandement de servir D.ieu, par le fait qu’il appelle la crainte dans sa pensée (c’est-à-dire par le fait qu’il concentre sa pensée sur la crainte de D.ieu et fait l’effort de l’éveiller),
כי בשעה ורגע זו, על כל פנים, מורא שמים עליו, על כל פנים כמורא בשר ודם הדיוט לפחות, שאינו מלך, המביט עליו
car à ce moment et cet instant en tout état de cause, la crainte du Ciel [pèse] sur lui au moins comme la crainte [qu’il éprouverait] en présence d’un simple mortel, qui n’est pas un roi, qui l’observe ;
שנמנע בעבורו מלעשות דבר שאינו הגון בעיניו
il se retiendrait alors de faire quelque chose qui n’est pas convenable aux yeux [de ce dernier].
Le regard d’autrui, encore que cet observateur ne soit pas un roi, lui interdit certaines actions que ce tiers ne jugerait pas convenable. De la même façon, bien qu’il ne ressente pas la crainte du Roi, il s’abstient à ce moment de ce qui déplait à D.ieu.
שזו נקראת יראה,
Cela étant aussi appelé « crainte ».
כמו שאמר רבן יוחנן בן זכאי לתלמידיו: יהי רצון שיהא מורא שמים עליכם כמורא בשר ודם כו׳
Comme Rabbi Yo’hanane dit à ses disciples : « Que ce soit la Volonté [de D.ieu] que la crainte du Ciel soit sur vous comme la crainte d’un être de chair et de sang. » Sur quoi les disciples s’exclamèrent : Est-ce là tout ?
תדעו כשאדם עובר עבירה, אומר: שלא יראני אדם כו׳
Sachez ! répondit Rabbi Yo’hanane à ses disciples, que lorsqu’un homme commet une transgression, il [se] dit [en son for intérieur] : « [Pourvu] que personne ne me voie… ».
De ce texte, on voit que pareille forme de crainte est effectivement qualifiée de « crainte du Ciel » dès lors qu’elle écarte de la faute. La mitsva de craindre D.ieu se trouve donc accomplie quand par une réflexion de cette nature il appelle une telle « crainte » dans sa conscience.
רק שיראה זו נקראת יראה תתאה ויראת חטא, שקודמת לחכמתו
C’est seulement que cette crainte (dont il a été question jusqu’à présent) est qualifiée de « crainte inférieure » (yira tataa) et de « crainte de la faute » (yirat ‘het) (on ne parle pas ici de « crainte de D.ieu », mais de « crainte de la faute » : la crainte de commettre une faute) qui est un préalable à la sagesse.
La « sagesse » dont il est ici question, fait référence à l’accomplissement de la Thora et des commandements, selon la sentence du Talmud : « l’aboutissement de la sagesse est le repentir et les bonnes actions ». Ce niveau inférieur de la crainte est donc considéré comme un préalable à la Thora et aux mitsvot, dans l’esprit des Maxime des Pères : « s’il n’y point de crainte, point de sagesse ». Les Sages disent cependant dans la même Michna : « S’il n’y a point de sagesse, point de crainte », faisant de la sagesse (l’étude et la pratique) le passage obligé pour accéder à la crainte ! Les Sages parlent en fait de deux degrés de crainte, explique le Tanya : la première, la « crainte inférieure », précède effectivement la pratique ; la seconde, la « crainte supérieure », en est l’aboutissement.
ויראה עילאה הוא ירא בושת כו׳
Et la crainte supérieure est quant à elle une crainte qui consiste en la honte devant la grandeur de D.ieu.
דאית יראה ואית יראה כו׳
Car il y a crainte et crainte… la crainte qui conduit à l’observance de la Thora et des mitsvot et la crainte qui résulte de cet accomplissement.
אבל בלי יראה כלל, לא פרחא לעילא באהבה לבדה,
En revanche, sans aucune crainte, l’accomplissement de la Thora et des commandements ne s’élève pas en haut en étant motivé par l’amour seulement,
כמו שהעוף אינו יכול לפרוח בכנף אחד
tout comme un oiseau ne peut voler avec une seule aile ;
דדחילו ורחימו הן תרין גדפין [כמו שכתוב בתיקונים]
car la crainte et l’amour sont deux ailes (comme il est écrit dans les Tikounei Zohar).
Comme expliqué dans les précédents chapitres, les deux ailes que sont l’amour et la crainte de D.ieu portent l’étude et les mitsvot accomplies dans les hauteurs célestes, les Séfirot supérieures. Mais lorsque la crainte de D.ieu fait défaut, cette élévation n’est pas possible.
וכן היראה לבדה היא כנף אחד, ולא פרחה בה לעילא, אף שנקראת עבודת עבד
Et de même, la crainte toute seule représente une seule aile, le service divin accompagné de la crainte seulement ne peut donc pas être porté en haut, bien qu’[un tel service] soit qualifié de « service d’un serviteur » empreint de la crainte propre à un serviteur ;
וצריך להיות גם כן בחינת בן
et il faut aussi la dimension du fils, c’est-à-dire le service divin avec amour, caractéristique du lien filial,
לעורר האהבה הטבעית על כל פנים המסותרת בלבו, שתהא בהתגלות מוחו על כל פנים
éveiller à tout le moins l’amour naturel pour D.ieu dissimulé dans le cœur, de manière à ce qu’il soit révélé dans l’esprit en tout état de cause,
לזכור אהבתו לה׳ אחד במחשבתו וברצונו לדבקה בו יתברך
pour rappeler son amour pour le D.ieu Unique dans sa pensée, et la volonté d’être attaché à Lui (autrement dit, le rappel de cet amour suscitera en lui la volonté d’être attaché à D.ieu).
וזאת תהיה כוונתו בעסק התורה או המצוה הזו
Et telle sera son intention quand il s’engage dans [l’étude de] la Thora ou quand il est sur le point d’accomplir un commandement particulier :
לדבקה בו נפשו האלקית והחיונית ולבושיהן כנזכר לעיל
attacher à [D.ieu] son âme divine ainsi que son âme vitale, ensemble avec leurs vêtements, comme expliqué précédemment (l’effet de la Thora et des mitsvot sur l’âme divine et l’âme animale ainsi que leurs vêtements respectifs de pensée, parole et action, qui deviennent alors attachés à D.ieu).
Le service de D.ieu doit donc présenter ces deux dimensions : la crainte propre au serviteur, mais aussi l’amour propre au fils. On doit donc accomplir la Thora et les mitsvot avec l’intention d’attachement de son âme à D.ieu. Mais Rabbi Chnéour Zalman va ajouter maintenant qu’un individu doit inscrire son service dans la collectivité, la Communauté d’Israël. Il doit donc servir D.ieu avec pour intention non seulement que son âme Lui soit liée, mais encore que la source même de son âme, source de toutes les âmes d’Israël, se trouve unie à l’Infini Divin. C’est la signification de la formule qui précède l’accomplissement d’une mitsva : « Pour l’union du Saint Béni soit-Il et de Sa Chekhina…, au nom de tout Israël ». Cet accomplissement a lieu « au nom de tout Israël » c’est-à-dire pour tout Israël, car l’union qu’il produit est celle du Saint Béni soit-Il avec Sa Chekhina, qui est la source de l’ensemble des âmes d’Israël.
אך אמנם אמרו רז״ל: לעולם אל יוציא אדם עצמו מן הכלל
Cependant, nos Sages, de mémoire bénie, ont dit « qu’un homme ne devrait jamais s’exclure de la collectivité ».
Aussi l’intention d’attacher son âme à D.ieu par la Thora et les mitsvot, individuelle, ne saurait par conséquent être suffisante.
לכן יתכוין ליחד ולדבקה בו יתברך, מקור נפשו האלקית ומקור נפשות כל ישראל
C’est pourquoi il aura l’intention d’unir et d’attacher à Lui, Béni soit-Il, la source de son âme divine et source des âmes de tout Israël,
שהוא רוח פיו יתברך, הנקרא בשם שכינה על שם ששוכנת ומתלבשת תוך כל עלמין להחיותן ולקיימן
[cette source commune] étant le souffle de Sa bouche, Béni soit-Il, que l’on nomme « Chekhina » parce qu’elle réside et s’habille à l’intérieur de tous les mondes, pour les faire vivre et exister ;
והיא היא המשפעת בו כח הדבור הזה שמדבר בדברי תורה, או כח המעשה הזה לעשות מצוה זו
et c’est elle (la Chekhina) qui dispense en lui (qui est engagé dans l’étude) cette force de la parole qui articule des paroles de Thora, ou cette force d’action pour accomplir tel commandement.
Son étude ou son accomplissement visera donc à l’union de la Chekhina, source de la faculté de parole ou d’action employée dans l’étude ou pour la mitsva, mais aussi source de son âme divine et de l’ensemble des âmes d’Israël, avec la lumière de l’Infini Divin.
ויחוד זה הוא על ידי המשכת אור אין סוף ברוך הוא למטה, על ידי עסק התורה והמצות שהוא מלובש בהן
Et cette union de la Chekhina avec la lumière Infinie se produit en attirant en bas la lumière de l’Infini Divin béni soit-Il par l’engagement dans la Thora et les mitsvot, dont elle (la lumière de l’Infini Divin) est revêtue.
ויתכוין להמשיך אורו יתברך על מקור נפשו ונפשות כל ישראל לייחדן
Et il aura pour intention d’attirer [la lumière de l’Infini Divin], béni soit-Il, sur la source de son âme et des âmes de tout Israël, afin de les unir à Sa lumière,
וכמו שכתוב לקמן פירוש יחוד זה באריכות, עיין שם
comme la signification de cette union sera longuement expliquée plus loin ; on s’y réfèrera.
וזהו פירוש לשם יחוד קודשא בריך הוא ושכינתיה בשם כל ישראל
Telle est la signification de la formule qui précède l’accomplissement des commandements : « Pour l’union du Saint Béni soit-Il et de Sa Chekhina… au nom de tout Israël (*). »
L’union du Saint Béni soit-Il (l’Infini Divin) et Sa Chekhina par les mitsvot est « au nom de tout Israël » car, comme on l’a dit, la Chekhina est source de toutes les âmes d’Israël.
הגהה
NOTE
Dans cette note, Rabbi Chnéour Zalman explique qu’au-delà de l’union de l’âme et de la source des âmes d’Israël avec la lumière du Ein Sof, l’accomplissement de la Thora et des mitsvot suscite également l’adoucissement des attributs de sévérité (Guevourot) et leur transformation en bonté (‘Hassadim). En effet, la Thora et les mitsvot, qui sont l’expression de la Volonté suprême, appellent la révélation de cette Volonté, source des attributs de bonté. Devant cette immense révélation, les Séfirot de ‘Hessed et Guevoura fusionnent : elles s’effacent devant la lumière divine qui les dépasse et perdent leur nature opposée, la sévérité se transformant alors en bonté.
וגם על ידי זה יתמתקו גם כן הגבורות בחסדים ממילא
Et aussi par cet accomplissement de la Thora et des mitsvot, les Guevourot seront automatiquement adoucies dans les ‘Hassadim,
בהתכללות המדות ויחודם
par la fusion des middot et leur unification,
על ידי גילוי רצון העליון ברוך הוא, המתגלה למעלה באתערותא דלתתא
au moyen de la révélation de la Volonté suprême, qui se révèle en Haut par l’éveil d’en bas,
הוא גילוי למטה בעסק התורה והמצוה, שהן רצונו יתברך
à savoir, sa révélation ici-bas dans l’engagement dans la Thora et dans la mitsva, qui sont Sa Volonté, béni soit-Il.
Ainsi, lorsqu’un juif, par son étude de la Thora et sa pratique des mitsvot, révèle ici-bas la Volonté divine, cette révélation se produit également à un autre degré, dans les middot supérieures, ce qui produit la fusion et l’unification des middot, de sorte que les Guevourot sont tempérées, transformées en ‘Hassadim.
וכמו שכתוב באדרא רבא ובמשנת חסידים מסכת אריך אנפין פרק ד׳
Comme il est écrit dans Idra Rabba et dans Michnat ‘Hassidim, traité Arikh Anpine, Chapitre quatre,
שתרי»ג מצות התורה נמשכות מחיורתא דאריך אנפין, שהוא רצון העליון מקור החסדים
[à savoir] que les 613 commandements de la Thora dérivent de la « blancheur » des attributs de bonté d’Arikh Anpine, qui est la Volonté suprême, source des ‘Hassadim.
Telle est, dans la terminologie ésotérique, le sens de cette unification. Plus simplement, il s’agit de dire que l’étude de la Thora et la pratique des mitsvot attirent du bien en ce monde.
סוף הגהה
FIN DE LA NOTE
On a expliqué que l’intention habitant le service de D.ieu ne doit pas être restreinte à la recherche de l’attachement de son âme à D.ieu : l’attachement de la source de toutes les âmes d’Israël à D.ieu doit être aussi recherché. Cependant, une distinction semble devoir être établie entre ces deux intentions : le désir personnel d’attachement à D.ieu est, en tout état de cause, sincère : ne procède-t-il pas, en effet, de l’amour pour D.ieu inhérent à chaque juif ? Quant à vouloir que la source de toutes les âmes d’Israël soit unie à la lumière du Ein Sof, cette intention répond à un sentiment d’amour encore bien plus grand, qui exprime de manière parfaitement désintéressée le désir de satisfaire D.ieu. On peut donc s’inquiéter à bon droit de la parfaite authenticité de cette seconde intention : comment alors la poser en norme ? Ainsi va-t-il être précisé que même lorsque l’intention n’est pas d’une authenticité parfaite, elle porte néanmoins en elle un certain indice de vérité car le désir d’accomplir la Volonté divine existe en chaque juif, et l’union de la source des âmes avec le Divin est, en tout état de cause, Sa Volonté. La sincérité de l’intention pensée n’a donc pas à être questionnée. Cette intention est légitime et doit habiter la réalisation des mitsvot et l’étude de la Thora. Dans les termes de Rabbi Chnéour Zalman :
ואף שלהיות כוונה זו אמיתית בלבו, שיהיה לבו חפץ באמת יחוד העליון הזה, צריך להיות בלבו אהבה רבה לה׳ לבדו
Et bien que pour que cette intention soit vraie en son cœur, [c’est-à-dire] que son cœur désire sincèrement cette Union supérieure (de la source des âmes d’Israël avec la lumière du Ein Sof), son cœur doit contenir un immense amour (ahava rabba) pour D.ieu seulement,
On dit généralement de l’amour qu’il « retourne vers celui qui aime », c’est-à-dire qu’il est le reflet d’une certaine forme d’amour de soi : on aime ce qui est bon pour soi. L’amour de D.ieu et le désir de s’attacher à Lui par l’étude de la Thora et l’observance des mitsvot traduit aussi la recherche d’un bien personnel. En revanche, le désir d’unification de la source des âmes d’Israël avec D.ieu procède d’un amour pur pour D.ieu, désintéressé, un amour exclusivement orienté vers Lui.
לעשות נחת רוח לפניו לבד ולא לרוות נפשו הצמאה לה׳
pour Lui donner satisfaction uniquement, et non pour épancher la soif de son âme pour D.ieu,
אלא כברא דאשתדל בתר אבוי ואמיה, דרחים לון יתיר מגרמיה ונפשיה כו׳ [כמו שכתוב לעיל בשם רעיא מהימנא]
plutôt, « comme un fils qui fait des efforts dans l’intérêt de son père et de sa mère, qu’il aime plus que ses propres corps et âme… » (comme évoqué plus haut dans le Chapitre dix, au nom du Raya Méhemna).
Tel était le degré d’amour de Moïse, qui fit don de sa personne pour l’unification du Peuple Juif avec D.ieu, comme un enfant n’agissant que pour le bien de ses parents. Comment exiger de chacun une telle intention qui, pour être sincère, doit répondre à un degré d’amour particulièrement élevé ?
מכל מקום יש לכל אדם להרגיל עצמו בכוונה זו
Néanmoins, tout homme doit s’habituer à cette intention,
כי אף שאינה באמת לאמיתו לגמרי בלבו שיחפוץ בזה בכל לבו
car bien qu’elle ne soit pas complètement vraie, dans une authenticité absolue en son cœur, de sorte qu’il désire cela de tout son cœur,
מכל מקום מעט מזעיר חפץ לבו בזה באמת, מפני האהבה הטבעית שבלב כל ישראל לעשות כל מה שהוא רצון העליון ב״ה
néanmoins, un tant soit peu, son cœur [nourrit] ce désir de manière authentique, en raison de l’amour naturel dans le cœur de chaque juif qui renferme le désir de faire tout ce qui est la Volonté de D.ieu.
ויחוד זה הוא רצונו האמיתי
Or, cette union de la source des âmes d’Israël avec la lumière du Ein Sof est Son vrai désir,
והיינו יחוד העליון שבאצילות, הנעשה באתערותא דלתתא על ידי יחוד נפש האלקית והתכללותה באור ה׳ המלובש בתורה ומצות שעוסקת בהן
il s’agit de l’Union supérieure dans le monde d’Atsilout, qui est produite par un éveil d’en bas, au moyen de l’union de l’âme divine et de son absorption dans la lumière de D.ieu qui est revêtue de la Thora et des commandements dans lesquels [l’âme] est engagée,
והיו לאחדים ממש, כמו שכתוב לעיל
de sorte qu’ils – l’âme divine et la lumière de D.ieu – soient Un véritablement, comme expliqué précédemment ;
כי על ידי זה מתיחדים גם כן מקור התורה והמצות, שהוא הקב״ה, עם מקור נפשו האלקית, הנקרא בשם שכינה
cette union produit une union équivalente dans le monde d’Atsilout, car de ce fait, la source de la Thora et des commandements, c’est-à-dire le Saint Béni soit-Il, est également unie avec la source de son âme divine, qui est appelée « Chekhina ».
Ainsi l’union de l’âme avec la lumière divine qui se trouve dans la Thora et les mitsvot, produit l’union de la source de l’âme (la Chekhina) avec la source de la Thora et des mitsvot (le Saint Béni soit-Il).
שהן בחינת ממלא כל עלמין ובחינת סובב כל עלמין, כמו שכתוב במקום אחר באריכות
Ce sont (« Chekhina » et « Saint Béni soit-Il » sont respectivement) le degré de « [la lumière] qui emplit tous les mondes » et le degré de « [la lumière] qui enveloppe tous les mondes », comme il est expliqué longuement ailleurs.
Tout ce qui vient d’être dit concerne l’aspiration à l’union de la source des âmes d’Israël avec l’Infini Divin, source de la Thora et des mitsvot : malgré l’absence de cet « immense amour » pour D.ieu, amour qui seul peut faire exister une telle aspiration sur un mode authentique, l’intention qui lui est liée comporte un certain indice de vérité, en vertu du désir d’accomplir la Volonté divine qui habite chacun. Quant au désir personnel d’attachement à D.ieu, précise maintenant le Tanya, il est parfaitement sincère et vrai puisqu’il procède de l’amour latent en chaque juif.
אבל יחוד נפשו והתכללותה באור ה׳ להיות לאחדים
Mais l’union de son âme et son absorption dans la lumière de D.ieu, de manière à ce qu’ils ne fassent qu’un,
בזה חפץ כל אדם מישראל באמת לאמיתו לגמרי, בכל לב ובכל נפש
cela est désiré par chaque juif, dans une authenticité absolue, de tout [son] cœur et toute [son] âme,
מאהבה הטבעית המסותרת בלב כל ישראל, לדבקה בה׳ ולא ליפרד ולהיות נכרת ונבדל חס ושלום מיחודו ואחדותו יתברך בשום אופן, אפילו במסירות נפש ממש
du fait de l’amour naturel dissimulé dans le cœur de chaque juif [en vertu duquel il désire] être attaché à D.ieu et ne pas se séparer et être retranché et détaché, à D.ieu ne plaise, de Son Unité et Son Unicité, béni soit-Il, en aucune circonstance, même au prix de sa vie (messirout néfech), vraiment.
C’est en vertu de cet amour latent pour D.ieu que le juif désire l’attachement avec D.ieu et qu’il refuse, même au prix de sa vie, d’être séparé de Lui. Par exemple, s’il est contraint à l’idolâtrie, ne serait-ce qu’à un acte superficiel de prosternation, il préfèrera faire don de sa vie plutôt que se détacher du D.ieu Unique.
ועסק התורה ומצות והתפלה הוא גם כן ענין מסירת נפש ממש, כמו בצאתה מן הגוף במלאת שבעים שנה
Et l’application à la Thora, les mitsvot et la prière, est également une forme de don de l’âme (messirout néfech), vraiment, comme lorsqu’elle quitte le corps à l’achèvement de soixante-dix ans,
שאינה מהרהרת בצרכי הגוף, אלא מחשבתה מיוחדת ומלובשת באותיות התורה והתפלה, שהן דבר ה׳ ומחשבתו יתברך, והיו לאחדים ממש
car quand elle s’applique à la Thora et la prière, [l’âme] ne pense pas aux besoins du corps, et sa pensée est unie et revêtue des lettres de la Thora et de la prière, qui sont la parole et la pensée de D.ieu, et elles (l’âme avec les lettres de la Thora et de la prière) deviennent véritablement un.
שזהו כל עסק הנשמות בגן עדן, כדאיתא בגמרא ובזהר
Ce qui est toute l’occupation des âmes dans le Jardin d’Eden, comme il est écrit dans la Guémara et le Zohar ;
De même que l’âme dans le Ciel n’a d’autre occupation que la Thora et la prière, de même l’âme renonce ici-bas aux besoins du corps quand elle s’immerge complètement dans les mots de l’étude et de la prière. Cette forme de don de soi (messirout néfech) procède de l’amour latent présent en chaque juif.
אלא ששם מתענגים בהשגתם והתכללותם באור ה׳
la différence est seulement que [dans le Jardin d’Eden], les âmes qui se consacrent à la Thora et la prière se délectent de leur compréhension et de leur absorption dans la lumière de D.ieu.
Ce plaisir de l’âme dans le Jardin d’Eden n’est, certes, pas ressenti ici-bas dans les mots de la Thora et la prière. Mais la dimension de cette étude et cette prière demeure la même.
וזהו שתקנו בתחלת ברכות השחר קודם התפלה: אלקי נשמה וכו׳ אתה נפחתה וכו׳ ואתה עתיד ליטלה ממני כו׳
C’est là ce que les membres de la Grande Assemblée ont institué [de dire] au début des bénédictions du matin, avant la prière : « Mon D.ieu, l’âme, etc. [que Tu as placée en moi est pure], Tu l’as insufflée [en moi]… et Tu me la reprendras… »
כלומר: מאחר שאתה נפחתה בי ואתה עתיד ליטלה ממני, לכן מעתה אני מוסרה ומחזירה לך, לייחדה באחדותך
Cela veut dire qu’étant donné que Tu l’as insufflée en moi et que Tu me la reprendras finalement, c’est pourquoi dès à présent je Te la donne et Je te la rends, pour l’unir dans Ton Unicité,
וכמו שכתוב: אליך ה׳ נפשי אשא
ainsi qu’il est dit : « Vers Toi, ô D.ieu, j’élève mon âme », de façon à ce qu’elle soit unie à Toi,
והיינו על ידי התקשרות מחשבתי במחשבתך ודיבורי בדבורך, באותיות התורה והתפלה
et cela, par l’attachement de ma pensée à Ta pensée et de ma parole à Ta parole, dans les lettres de la Thora et de la prière pensées et prononcées,
ובפרט באמירה לה׳ לנכח, כמו: ברוך אתה, וכהאי גוונא
et en particulier, en s’adressant à D.ieu à la seconde personne qui exprime la proximité, comme dans la formule : « Béni sois-Tu » et [autres formules] semblables.
והנה בהכנה זו של מסירת נפשו לה׳
Et c’est avec cette préparation du don de son âme à D.ieu, il se prépare à ce que son étude de la Thora et sa prière soient tel un don de son âme à D.ieu,
יתחיל ברכות השחר: ברוך אתה כו׳
qu’il commencera les bénédictions du matin : « Béni sois-Tu… » qui forment le début de la prière.
וכן בהכנה זו יתחיל ללמוד שיעור קבוע מיד אחר התפלה
Et de même, c’est avec cette préparation qu’il entreprendra [son] étude fixe immédiatement après la prière.
La prière doit être suivie d’un temps d’étude de la Thora, selon l’expression du Talmud : « sortir de la synagogue vers la maison d’étude ». Cette étude, également, sera entreprise avec, pour préparation, cette intention de faire don de son âme à D.ieu.
וכן באמצע היום קודם שיתחיל ללמוד, צריכה הכנה זו לפחות
Et de même, au cours de la journée, avant de commencer à étudier, cette préparation au moins est requise,
כנודע שעיקר ההכנה לשמה לעכב, הוא בתחלת הלימוד בבינונים
comme on le sait, dans le cas des beinonim, l’essentiel de la préparation et l’intention de lichma, indispensable, est au début de l’étude,
וכמו בגט וספר תורה שצריכים לשמה לעכב
tout comme dans le cas de l’écriture d’un acte de divorce ou d’un rouleau de la Thora, lichma est une condition sine qua non c’est-à-dire que le défaut d’intention les prive de validité,
ודיו שיאמר בתחלת הכתיבה: הריני כותב לשם קדושת ספר תורה או לשמו ולשמה כו׳
et il est suffit que [le scribe] dise en commençant à écrire : « J’écris au nom de la sainteté du rouleau de la Thora », ou dans le cas dans un acte de divorce, il suffit de dire quant il commence à écrire : « J’écris cet acte pour tel homme et telle femme. »
De la même manière, il suffit pour le beinoni d’avoir l’intention d’étudier avec abnégation alors qu’il entame son étude.
וכשלומד שעות הרבה רצופות, יש לו להתבונן בהכנה זו הנ״ל בכל שעה ושעה על כל פנים
Et quand il étudie de nombreuses heures consécutives, il doit réfléchir à cette dite préparation à chaque heure à tout le moins,
כי בכל שעה ושעה היא המשכה אחרת מעולמות עליונים להחיות התחתונים, והמשכת החיות שבשעה שלפניה חוזרת למקורה
car à chaque heure, c’est un flux différent des mondes supérieurs [qui descend] pour animer [les mondes] inférieurs, et le flux de vitalité de l’heure précédente retourne à sa source,
[בסוד רצוא ושוב שבספר יצירה]
(selon le principe ésotérique de « l’élan et du retour [évoqué] dans le Séfer Yétsira »),
La vitalité divine qui anime le monde est sur le modèle de « l’élan et du retour » : elle descend dans le monde et retourne à sa source dans les mondes supérieurs. À chaque heure la vitalité qui a habité l’heure précédente retourne ainsi à sa source.
עם כל התורה ומעשים טובים של התחתונים
ensemble avec toute la Thora et les bonnes actions des créatures [inférieures].
כי בכל שעה שולט צירוף אחד מי״ב צירופי שם ה׳ ברוך הוא בי״ב שעות היום, וצרופי שם אדנ״י בלילה, כנודע
car à chacune des douze heures de la journée, gouverne l’une des douze combinaisons (tseirouf) [des quatre lettres qui forment] le Nom de D.ieu Havaya, [alors que] les combinaisons des [lettres qui forment] le Nom divin A-D-N-Y [gouvernent] la nuit, comme il est connu.
Dès lors qu’à chaque heure, règne une combinaison différente des Noms divins Havaya (en journée) et A-D-N-Y (la nuit), l’intention de lichma doit être renouvelée. Rabbi Chnéour Zalman précise maintenant que ce travail du retour de l’âme à sa source, ce « don de l’âme » dans l’étude et la prière effaçant tous les besoins du corps, doit être entrepris non pas en vertu d’une volonté personnelle, mais dans l’unique intention de donner satisfaction à D.ieu.
והנה כל כוונתו במסירת נפשו לה׳ על ידי התורה והתפלה, להעלות ניצוץ אלקות שבתוכה למקורו
Or, toute son intention dans le don de son âme à D.ieu par la Thora et la prière, pour élever l’étincelle divine contenue en elle (l’âme) à sa source,
תהא רק כדי לעשות נחת רוח לפניו יתברך, כמשל שמחת המלך בבוא אליו בנו יחידו בצאתו מן השביה ובית האסורים כנזכר לעיל
cette intention sera seulement en vue de donner satisfaction à [D.ieu], comme l’image de la joie [qu’éprouve] le roi lorsque son fils unique s’en revient à lui, libéré de captivité et d’emprisonnement, comme expliqué plus haut.
Cette image a déjà été mentionnée au Chapitre trente et un. L’âme divine, figurée par l’image du fils du roi selon l’expression du verset : « Vous êtes des enfants pour l’Eternel votre D.ieu », se trouve confinée à l’intérieur du corps et de l’âme animale, dans un état de « captivité » et « d’emprisonnement ». Le retour à D.ieu, par la Thora et la prière, semblable au retour du fils unique auprès de son père le roi, suscite ainsi une immense joie. On souligne ici la joie que le roi lui-même éprouve de ce retour : car c’est précisément cette joie qui doit être recherchée. Pourtant, Rabbi Chnéour Zalman n’a-t-il pas auparavant expliqué que cette aspiration purement désintéressée de la satisfaction divine relève de l’immense amour (ahava rabba) que seuls connaissent les tsaddikim ? Il est donc conduit maintenant à marquer à cet égard la distinction entre, d’une part, l’union de la source de toutes les âmes d’Israël et, d’autre part, l’union de l’âme individuelle avec D.ieu. Bien que dans ce dernier cas aussi ne soit recherchée que la satisfaction divine, cette recherche, néanmoins, n’appartient pas à l’immense amour précédemment évoqué : l’amour naturel qui existe en chacun commande de donner à D.ieu cette satisfaction spécifique.
והנה כוונה זו היא אמיתית באמת לאמיתו לגמרי בכל נפש מישראל בכל עת ובכל שעה
Or, cette intention, de donner satisfaction à D.ieu en Lui retournant son âme à sa source, est vraie, dans une parfaite authenticité absolue, dans l’âme de chaque juif à tout instant et à tout moment,
מאהבה הטבעית שהיא ירושה לנו מאבותינו
[elle procède] de l’amour naturel qui est un héritage de nos pères.
A la différence de la volonté de donner satisfaction à D.ieu en attachant à Lui la source de toutes les âmes d’Israël, dont l’authenticité n’est pas absolue en tout un chacun (mais seulement « un tant soit peu »), la volonté de donner satisfaction à D.ieu en Lui restituant son âme est d’une parfaite sincérité.
רק שצריך לקבוע עתים להתבונן בגדולת ה׳, להשיג דחילו ורחימו שכליים
Seulement on ne doit pas se contenter du seul amour naturel, et il faut fixer des moments pour méditer sur la grandeur de D.ieu, en vue d’atteindre des sentiments de crainte et amour nés de la méditation intellectuelle.
Malgré le don de soi dans la Thora et la prière dicté par l’amour naturel, il reste également nécessaire de rechercher les sentiments de crainte et d’amour de D.ieu qui naissent de la méditation sur la grandeur divine.
וכולי האי ואולי וכו׳ כנזכר לעיל
Et peut-être après tout parviendra-t-on à de tels sentiments intellectuels, comme expliqué précédemment.
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